Celle qui aurait pu sauver la France
Voxan Café Racerpar Adrian
Les Français ont tous des regrets. Que ce soit d’élire un président, d’offrir trop d’audiences à la télé-réalité ou de commander un sandwich en trop au McDo. Mais tout ça n’est rien comparé à la plus grosse erreur du peuple français : avoir laissé mourir la Voxan Café Racer.
Nous, les Français, on aime râler. Je m’intègre dans ce constat car je passe moi-même environ 40% de mon temps à râler sur des trucs. Globalement, c’est plutôt une fierté, un truc qu’on revendique. Il n’y a qu’à voir : notre emblème est un coq. Le seul être vivant qui fait tout le temps la gueule et s’égosille pour rien à chaque fois que le soleil se lève. Et on passe tellement de temps à râler, qu’on ne voit plus ce que l’on fait de mortel. Et parmi les trucs mortels que la France a fait, il y a la Café Racer.Â
Allons enfants…
C’était en 2000, cinq ans après la création de Voxan, dernière marque de moto française. Comme toutes les autres machines de la marque, elle sort tout droit de l’esprit d’Alain Chevalier, qui a construit des motos de Grand-Prix durant les années 70-80, rien que ça. Cet homme a créé une machine qui ne s’inspirait tout simplement d’aucun autre pays. Ni du style incroyable des Italiennes. Ni de la fiabilité et de l’excellence des Japonaises. Pas non plus du charme des Anglaises. Elle ne ressemble tout simplement à aucune autre, avec une gueule mélangeant ancien et nouveau. Bon, c’était du nouveau dans les années 2000, hein. Aujourd’hui, c’est plus un mélange d’ancien et de moins ancien, mais l’avantage est que la ligne n’a strictement rien perdu.
Cette machine ne s’inspire tout simplement d’aucun autre pays.
Enfin, rien de nouveau sous le soleil : on sait tous que la France sait faire de jolies choses. Il suffit de se balader Place Vendôme ou dans l’espace Duty Free de n’importe quel aéroport du monde. La Voxan Café Racer apporte un nouvelle corde à l’arc du savoir-faire français : les moteurs.
De la patrie…
996cm3, 100 chevaux, deux-cylindres. Rien de bien original, si ce n’est ce chiffre : 72 degrés. C’est-à -dire l’angle que forme le V des deux cylindres. Un chiffre parfait, qui permet d’avoir un moteur compact (avec un angle fermé, donc) et équilibré (avec un angle proche de 90°). On le doit à la Sodemo, une entreprise basée à côté du circuit de Magny-Cours, dans la Nièvre. Ils ont créé un des moteurs les plus agréables de la production. C’est un mix parfait des sensations que l’on peut espérer d’une motorisation : à bas régime, il est rugueux. Il vous offre des sensations en se montrant vivant, dans un son rauque et avec des vibrations. Il pousse le pilote. À haut régime, il offre des sensations en tirant le pilote. Il est plus vivant et s’emballe dans une sonorité bien plus aiguë. Et, surtout, il fait tout ça en étant parfaitement linéaire. Sans surprendre. C’est un exemple du genre. Tout simplement. On pourra juste lui reprocher une démultiplication trop longue, mais bon, en dépensant 15 euros dans un pignon de sortie de boîte plus petit, le problème sera réglé. Je pense que c’est surmontable.
Ils ont créé un des moteurs les plus agréables de la production.
Le jour de gloire…
L’autre avantage de ce moteur est qu’il est compact, il ne pèse d’ailleurs que 65 kilos. Et qui dit moteur compact, dit moto compacte. Avec la Voxan Café-Racer, cela prend tout son sens. La forme du réservoir a été étudiée pour que le pilote cale ses genoux en dessous de celui-ci. Les rapprochant ainsi du moteur. Le haut du corps est légèrement basculé en avant, ce qui fait que votre tête arrive à l’intérieur de la bulle. Et malgré tout, elle n’est pas fatiguante. On a tout simplement l’impression que la moto est le prolongement de soi.
Ce sont encore des innovations françaises qui vont permettre de faire tourner cette moto.
Cela permet de plonger en virage avec un naturel incroyable. Et à ce moment là , ce sont encore des innovations françaises qui vont permettre de faire tourner cette moto.
Le cadre relie la colonne de direction au bras oscillant avec deux gros tubes, qui passent au dessus du moteur, telle la colonne vertébrale d’un animal à 4 pattes, un chien par exemple. Mais il a aussi d’autres fonctions : la partie haute sert de boîte à air et la partie basse fait office de réservoir d’huile. De quoi réduire encore un peu la taille de la moto. L’amortisseur arrière est situé quant à lui sous la moto et le réservoir d’essence est sous le pilote. Bref, c’est le bordel. Mais ça marche. La stabilité en courbe est un pur bonheur. Rien ne peut arriver. La moto est parfaitement équilibrée et tellement agréable… Elle est en revanche un peu camion et moins facile qu’une moto moderne, mais franchement, étant donné le plaisir ressenti une fois qu’elle est inscrite dans le virage, ça vaut le coup de la forcer un peu.
Est oublié !
Oui mais voilà , tout ça ne suffit pas. Faire une moto sensationnelle, charismatique, belle et efficace n’est pas suffisant en France. Si les Espagnols avaient créé la Voxan Café Racer, ils en auraient fait un monument national, auraient imprimé sa photo sur des billets de banque et l’auraient hérigé au rang de divinité. Mais nous, non. Nous, on a râlé. Que c’était sûrement pas fiable. Qu’elle était moche. Qu’il fallait que la marque fasse ses preuves. Du coup, personne ne l’a achetée. Du coup, la marque a coulé. Évidemment, il y a eu aussi d’autres problèmes internes à l’entreprise et des histoires qui trainent encore aujourd’hui, mais en tout cas, malgré les rachats, la marque a coulé. Et ça, on peut le regretter. Parce que la Café Racer est une excellente moto. Alors si vous avez eu 18 ans et un permis de conduire au moment où elle était produite, vous pouvez vous sentir coupable. Ou tout simplement râler que cette moto n’existe plus. En tout cas, moi, c’est ce que je vais faire.
Café Racer ? Ça me dit un truc…