J’ai eu l’occasion de participer à deux épreuves du Championnat du Monde d’Endurance (le Bol d’Or et les 8h de Sepang) en tant que 4e pilote, dans une équipe qui joue la gagne en catégorie Stock. Si je n’avais initialement aucune idée de ce que je devais faire, après avoir passé 17 journées avec l’équipe, j’ai fini par apprendre des trucs. Les voici !
J’ai toujours bien aimé les courses d’Endurance. Pourtant, l’idée de faire un relai de 50 minutes, de nuit, dans le froid et sous la pluie n’est pas vraiment ce qui m’excite à moto. Mais ce que la discipline sous-entend en termes de stratégie, de travail d’équipe et de dépassement de soi me captive. Bien sûr, je suis fan des courses de vitesse : c’est dans celles-ci que l’on voit les plus beaux gestes techniques en termes de pilotage et les plus belles bagarres. Mais dès que le départ est donné, tout repose sur le pilote. La moindre erreur de sa part et la course est terminée.
En Endurance, toute l’équipe est sur le qui-vive jusqu’au drapeau à damier. Ce qui fait que même si les courses sont particulièrement longues (8 ou 24 heures), la tension est constante et tout peut arriver, à n’importe quel moment.
J’ai rencontré Fred Louit, le propriétaire du Team 33 Coyote Louit Moto qui se bat pour la victoire en Championnat du monde d’Endurance en catégorie Stock, lors d’une visite chez Lucas Mahias, dont il préparait les motos d’entraînement. On s’est tout de suite bien entendu et à force de se croiser sur des événements, il m’a proposé d’intégrer leur équipe en tant que 4e pilote.
[ts_toggle admin-label= »Toggle » element-icon= »icon-resize-full » title= »C’est quoi le Team 33 Coyote Louit Moto ? » description= »Si vous demandez dans le paddock, tout le monde vous en dira du bien. Le team revendique près de 20 ans d’expérience en Endurance, et roule Kawasaki depuis 2011. Un vrai avantage dans cette discipline où il est important de connaître sa machine sur le bout des doigts. Au niveau de l’organisation, si Fred Louit est le propriétaire du team et s’occupe du choix des pilotes et oriente les directions de l’équipe, Gilles Caballo (Gillou pour les intimes, soit 99% du paddock) s’occupe de l’organisation, des inscriptions et de faire en sorte que tout soit en place le jour J. Pour la préparation de la moto, c’est Benoit Leveillard qui officie sur la machine, la règle et joue le rôle de chef d’orchestre dans le box (lors des interventions sur la moto, des briefings et de tout ce qui a un rapport avec la mécanique). Il est secondé dans sa tâche par une armée de mécanos avec une expérience incroyable, dont Mich’, Sébastien (et Sébastien), Pierre, Pierre-Louis… Sans parler des chronométreurs (qui ont développé leur propre système de chronométrage !), des cuisiniers… Bref, il faudrait un article pour parler de chaque poste tellement leurs histoires sont intéressantes. Retenez seulement que l’équipe est très proche de la Kawasaki #1 championne du monde et a fait rouler des jeunes pilotes devenus grands (Loris Baz, Jeremy Guarnoni, Florian Marino…). Cette année, ils font confiance à Enzo Boulom, Kevin Manfredi et Christian Gamarino. » state= »closed » reveal-effect= »none » reveal-delay= »delay-500″ element-type= »toggle » custom-classes= » » lg= »y » md= »y » sm= »y » xs= »y » ][/ts_toggle]
Je n’ai pas hésité une seconde, et dès que mon planning me l’a permis, je les ai rejoints au Bol d’Or et aux 8h de Sepang, sans pour autant savoir en quoi consistait précisément mon job. Évidemment, je savais que les courses d’Endurance se courant à 3 pilotes, le 4e pilote n’a qu’un rôle de « remplaçant » au cas où l’un des pilotes titulaires se blesse. À ce titre, il prend part aux essais et aux qualifications, mais pas à la course (la liste des 3 pilotes participant à la course étant validée juste avant le départ).
Après 2 semaines de course passées avec eux, j’ai découvert que ce rôle était bien plus intéressant et stimulant. En voici le détail.
AVANT DE PARTIR SUR LA COURSE
Étant donné que le 4e pilote doit être capable de remplacer un pilote blessé, il doit avoir les capacités de faire la course. La préparation physique et technique en amont de l’épreuve est la même que pour un pilote titulaire.
Si pour le Bol d’Or, cette préparation était assez simple (je connaissais la piste), c’était plus difficile pour les 8h de Sepang qui se déroulent en Malaisie. Le circuit étant situé à 10 000 km de chez moi, je n’y avais jamais posé un pneu. Alors pour l’apprendre, j’ai utilisé deux méthodes :
– Y jouer dans un jeu-vidéo
C’est assez efficace pour apprendre le tracé et mémoriser les enchaînements de virages. Vous noterez que si j’avais fait ce chrono là en vrai, j’aurais eu la pole devant Morbidelli.
– Étudier des vidéos embarquées
C’est la source d’informations la plus réaliste que l’on puisse trouver. L’intérêt est de noter des points de repère (de freinage, de déclenchement, d’accélération), voir les rapports utilisés, les régimes moteur… Tous ces petits détails qui permettront d’économiser de précieux tours le jour des essais !
Pour le reste, il faut avoir le même équipement qu’un pilote titulaire : 2 casques, 2 paires de bottes, 2 combinaisons, 2 paires de gants et tout un tas de sous-vêtements techniques pour ne pas sentir le poney dès le deuxième relais.
DURANT LA SEMAINE DE COURSE
En Endurance, la semaine de course commence le mardi. C’est là que les teams s’installent dans le paddock et les box. S’en suivent les contrôles techniques, les essais, les qualifications, puis le warm-up, jusqu’à la course le samedi ou dimanche.
Jusqu’au samedi, le traitement des 4 pilotes est indifférencié : l’équipe fait en sorte de nous faciliter la vie. Tout est fait pour que l’on ait la meilleure alimentation et le meilleur repos possibles. Il y a tout de même une distinction importante pour le 4e pilote : sur les courses de 24 heures, il est officiellement engagé, ce qui veut dire qu’il prend part aux essais et aux qualifications. Sur les courses de 8 heures, il ne l’est pas. Donc, il ne touche pas à la moto. C’est pour cette raison que la seule fois où j’ai eu la chance de rouler, c’était au Bol d’Or.
Les essais
Lors des séances d’essais, les équipes sont libres de faire rouler les pilotes à leur convenance. J’ai donc pu rouler plusieurs fois par séance : quand les titulaires font 7 tours, j’en fais 4 (un tour de sortie, 2 tours lancés, un tour de rentrée). Si la séance est raccourcie, c’est forcément le run du 4e pilote qui passe à l’as. Mais le roulage est tout de même important : il faut réussir à se mettre dans le rythme pour être performant le jour de la course (toujours au cas où quelque chose arriverait à un pilote titulaire), mais aussi essayer de ressentir le comportement de la moto sur un rythme proche des autres pilotes, pour pouvoir apporter un avis sur les réglages. En outre, le 4e part souvent pour roder des pièces (je ne sais pas combien j’ai rodé de disques et de plaquettes de frein…) ou valider le bon fonctionnement de la moto. C’est ingrat, mais obligatoire pour la bonne performance de l’équipe !
En fait, les premiers tours de roues en essai obligent à penser à l’intérêt collectif, avant l’intérêt personnel : encore plus que les autres pilotes, il est interdit de tomber. Vous êtes là pour aider le travail des pilotes titulaires et de l’équipe technique, alors si tout le monde perd une séance d’essai parce que vous avez accroché la moto à un grillage…
Et cette idée, je l’ai en tête à chaque fois que je monte sur la moto. Mais en même temps, il faut être dans un bon rythme… Donc il faut rouler vite, mais assurer, sans avoir assez de tours pour prendre ses marques. Je peux vous assurer que je n’ai jamais roulé aussi vite dans mes tours d’entrée et de sortie des stands pour profiter du moindre instant passé sur la moto !
La pression redescend à la fin des essais, quand tous les pilotes se retrouvent avec le chef mécano pour débriefer des réglages de la moto et des pièces essayées. En endurance, la difficulté des réglages réside dans le fait de trouver un compromis qui correspond à tous les pilotes. La moto n’est jamais parfaite pour personne, mais il faut qu’elle soit sûre et permette à chaque pilote de rouler sur un bon rythme, sans avoir à forcer ou prendre des risques. Donc durant les débriefings, personne ne s’impose. Chacun pointe du doigt des points qui le dérangent sur la machine et l’équipe essaie de voir si le fait de régler ses problèmes ne pénalisera pas l’équilibre de la moto. C’est un tâtonnement, plutôt qu’une remise en question des réglages.
j’ai appris plus de choses sur les réglages à Sepang (alors que je ne suis pas monté une seule fois sur la moto)
À ce moment, le 4e pilote n’est pas là pour demander de régler la moto en fonction de ce qui le gène, mais plutôt d’apporter un avis supplémentaire et de participer aux réflexions sur les réglages à adopter. Je vais même vous dire un truc, j’ai appris plus de choses sur les réglages à Sepang (alors que je ne suis pas monté une seule fois sur la moto). Parce que quand vous réglez une moto, il faut réfléchir à une façon de modifier son comportement en fonction d’une sensation ressentie à son guidon. Et au final, le fait de vivre cette sensation ou juste de l’entendre de vive voix d’un autre pilote ne change pas grand-chose. Le plus gros du travail est de trouver sur quel réglage agir pour parvenir à gommer un défaut. Et cela se fait plus par des discussions entre l’équipe technique et les pilotes, que par des tours de piste…
Les qualifications
Les qualifications sont la journée la plus cool pour les pilotes. C’est la seule fois de la semaine où chacun aura deux séances de 20 minutes pour faire le meilleur tour possible. La place sur la grille sera fonction du chrono moyen des 3 pilotes prenant le départ de la course. C’est important, sans être non plus capital : une course d’endurance ne se gagne pas grâce à une bonne place sur la grille…
Pour le 4e pilote, c’est le premier moment où il va pouvoir faire une vraie séance complète, comme un pilote titulaire. Il faut en profiter et tenter de faire le meilleur tour possible (si un pilote venait à se blesser avant le départ, ce serait le chrono du 4e pilote qui servirait à définir la place sur la grille de départ). Il y a aussi un intérêt personnel à faire un bon chrono (dont on reparlera plus tard) et il est donc important de ne pas se mettre la pression. Car en réalité, le chrono du 4e pilote va forcément s’améliorer durant les qualifications : ce sera la première fois qu’il pourra effectuer plusieurs tours sur la moto, sans avoir à penser à rien d’autre qu’à sa séance. Donc pas de stress, que du plaisir. En plus, dans le Team 33 Coyote Louit Moto, tout le monde suit les qualifications depuis les stands, derrière les écrans du live-timing. Il y a un vrai soutien et c’est grisant une fois en selle.
Au Bol d’Or, il s’est mis à pleuvoir une heure avant ma première qualification. Le team a tout de même souhaité me faire rouler dans des conditions dans lesquelles je n’avais jamais roulé de la semaine. En réalité, je n’avais jamais roulé sous la pluie avec une sportive 1000, mais ça je me suis bien gardé de leur dire… Même si ça se voyait un peu.
Juste avant de monter en selle, Kevin Manfredi (mon co-équipier italien), qui venait de rouler, m’a indiqué les virages les plus inondés. De mon côté, je lui ai juste demandé s’il arrivait à poser le genou dans tous les virages. Avec sa réponse, j’avais déjà un sacré avantage pour m’élancer. Le poser de genou sous la pluie permet de connaître le grip de la piste. Avec ce que m’avait dit Kevin, je savais qu’il était possible de poser le genou sur 80% du circuit, et donc de freiner aux mêmes repères que sur le sec… Cela m’a donné une idée du rythme que je pouvais tenir, avant même de monter sur la moto. Il n’y a qu’en Endurance que les pilotes parlent aussi librement entre eux des conditions de piste.
Une fois élancé, je me suis concentré sur mes sensations, en faisant au mieux pour oublier le stress. Sous la pluie, tout ce que j’avais à faire c’était d’enchaîner les tours et je savais que mon rythme allait augmenter progressivement : les pneus allaient chauffer, ce qui me mettrait en confiance, donc je roulerai plus vite, ce qui ferait chauffer davantage les pneus… Et ainsi de suite.
Au final, j’ai seulement été distrait par le « P1/P2 » affiché par le panneautage. Cela voulait dire que je me battais pour la pole de ma séance. J’ai essayé tant bien que mal de garder la tête froide, en me rappelant que si je chutais, tout serait remis en question. Je termine 2e de cette séance (et 1er Stock), à 0,7 seconde de Karel Hanika sur la Yart, mais surtout en ramenant la moto entière !
La seconde séance s’est déroulée sur le sec sans trop d’encombres. Je me suis concentré uniquement sur mon chrono. Et même si je n’étais pas au meilleur de ma forme, c’est certainement cette fois-ci que j’ai pris le plus de plaisir sur la moto.
Pouvoir rouler dans de bonnes conditions, sur une moto aussi saine et performante, avec des pilotes expérimentés étaient un vrai bonheur. J’ai réussi à faire deux tours en 1’57’’3, ce qui me place P5 de ma série (et 1er en Stock) à 2,1 secondes de la moyenne des pilotes titulaires de la 33 (qui ont décroché la pole position en Stock !).
Les selles musicales
Une fois les séances qualificatives terminées, le moment le plus intense de la semaine pour les 4e pilotes commence. Chaque équipe peut changer sa composition jusqu’au départ de la course. Ce qui signifie que si un pilote titulaire est blessé ou pas assez rapide, il pourra être remplacé par n’importe quel 4e pilote, même d’une équipe concurrente. Les team-managers vont regarder les feuilles de chrono des séances qualificatives des 4e pilotes, et leur faire des propositions pour être titulaire sur leur machine. D’où l’importance d’avoir fait un bon chrono en qualifications !
Au total, sur les 29 pilotes de remplacement, 13 participeront à la course. De mon côté, je préfère rester avec l’équipe qui m’a permis de rouler. Durant cette première semaine au Bol d’Or, j’ai découvert à quel point l’endurance est un sport d’équipe et comme le rôle de chacun est important dans la performance finale. J’ai donc préféré réprimer mes envies de pilote pour aller au bout de cette expérience et vivre cette semaine de course en immersion complète au sein de l’équipe. En plus, je dois avouer que tout l’équipe a été adorable avec moi, ce qui a pas mal pesé dans la balance…
Warm-up
Le matin de la course, il y a un warm-up de 45 minutes. Durant celui-ci, chaque pilote titulaire va faire quelques tours avec la moto de course, pour prendre des sensations avant le départ. Pour la première fois du week-end, le 4e pilote ne rentre pas en piste.
C’est un sentiment assez désagréable, car après avoir eu la chance de rouler en séance qualificative comme un pilote « normal », on se retrouve sur la touche. Il reste une chance de prendre part à la course si un pilote venait à se blesser au warm-up, mais une fois le drapeau à damier baissé, le couperet tombe : pas de Bol d’Or pour moi.
la frustration de ne pas rouler disparaît instantanément dès que l’on prend du recul et que l’on se rappelle que l’on est en Championnat du Monde d’Endurance
À la fois, je suis frustré car j’aimerais monter sur la moto pour la course. Mais cette frustration disparaît instantanément dès que l’on prend du recul et que l’on se rappelle que l’on est en Championnat du Monde d’Endurance. Ce qui compte n’est pas la performance individuelle, mais bien la performance de l’équipe. Et aligner les 3 pilotes titulaires pour la course est la meilleure chose qui puisse arriver. Une fois cette approche acceptée, je n’ai plus ressenti la moindre frustration. Même pour la course de Sepang, où je ne suis pas monté sur la moto, j’ai plutôt réfléchi à comment participer à la performance de l’équipe… Et j’y ai pris du plaisir.
PENDANT LA COURSE
Il y a deux bonnes nouvelles au fait de ne pas prendre part à la course. La première, c’est qu’on peut boire une bière et prendre un dessert sans scrupule. La seconde, c’est que tout le stress disparait. Le rôle de pilote étant occupé par vos coéquipiers, ce sont à eux de partir au charbon, de prendre des risques et d’aller enchaîner les relais dans la nuit, le froid et la pluie. Tout ce que j’ai à faire de mon côté, c’est tenter de leur faciliter la vie.
la course se joue en permanence, car chacune de nos actions, si elle est mal faite, peut entacher la réussite de l’équipe.
En Endurance, la course se gagne en restant éloigné des problèmes. Une infinité de petits détails peut contraindre la moto à rentrer au stand et perdre un temps précieux. Le but est de tout faire pour éviter chacun de ces petits problèmes. Une fois que l’on a compris cela, la course se joue en permanence, car chacune de nos actions, si elle est mal faite, peut entacher la réussite de l’équipe.
Par exemple, la particularité du Team 33 Coyote Louit Moto est d’avoir deux pilotes Italiens (Kevin Manfredi et Christian Gamarino) et un pilote Français (Enzo Boulom). Étant le seul à parler ces deux langues, je m’occupe de traduire les briefings et aide aux liens entre les Italiens et l’équipe. Cela semble peu important : les pilotes arrivent à baragouiner en Anglais et se font comprendre. Mais la possibilité de s’exprimer dans sa langue permet d’être plus précis et détendu. En contrepartie, une erreur de traduction de ma part peut avoir de lourdes conséquences.
Je vous assure que je suis déjà sorti plus fatigué d’un briefing que d’un run sur la moto.
Par exemple, vous pouvez plomber le moral d’un pilote si vous traduisez « tu es moins rapide que les autres » au lieu de « tu as été moins rapide que les autres », vous sous-entendez que le pilote est moins rapide dans l’absolu, alors que le message était qu’il était moins rapide cette fois-ci (pour X ou Y raisons). Sans parler des contre-sens sur les réglages de la moto ou les choix stratégiques… Je vous assure que je suis déjà sorti plus fatigué d’un briefing que d’un run sur la moto.
Une fois la course lancée, mon but est de faciliter la vie des pilotes. En ayant déjà été à leur place, je sais à quel point c’est agréable de ne pas avoir à se préoccuper des petites choses : toujours avoir sa boisson prête, des affaires propres… Autant de petits détails qui laissent au pilote plus d’énergie pour se concentrer sur ce qu’il a à faire sur la moto.
Et puis, étant donné que j’étais à leur place la veille encore, je me souviens des sensations que l’on ressent avant de monter sur la moto ou des questions que l’on se pose en rentrant au stand : en quelle position est la moto ? Le rythme était-il bon ? Quelle est la stratégie sur le reste de la course ? Où en sont nos concurrents ?
J’essaie au mieux de les aider à ne pas se poser de questions, à avoir des réponses claires et à être détendus. Par exemple, si on voit quelque chose sur l’état de la piste à la télé pendant qu’un pilote se prépare, je m’empresse de lui signifier. Ce n’est pas grâce à cela que l’on gagnera, mais si ça évite une petite tension sur la moto ou un instant de déconcentration en piste, alors c’est ça de pris !
C’est comme si j’avais eu l’occasion de voir tout ce qu’il faut faire et ne pas faire
Cependant, là où l’expérience a été la plus bénéfique pour moi en tant que pilote, c’est dans le fait de vivre la course au plus près, sans en être un acteur direct. C’est comme si j’avais eu l’occasion de voir tout ce qu’il faut faire et ne pas faire. De voir comment l’équipe interprète chaque comportement des pilotes, et les conséquences que cela a sur elle. Un exemple tout simple : lors d’une séance d’essai, les 3 pilotes se plaignent d’un réglage sur la moto. Ils sont unanimes : quelque chose ne va pas et pour l’un d’entre eux, c’est même « inroulable ». Les mécaniciens les écoutent et leur disent qu’ils vont faire le nécessaire. Une fois les pilotes partis, un des mécaniciens me dit : « C’est toujours comme ça : quand ils ne sont pas dans le rythme, ils se plaignent de ce comportement sur la moto. Tu verras, dès qu’ils vont commencer à rouler plus vite, il n’y aura plus de problème… Par le passé, on a déjà démonté intégralement la moto pour régler ce type de problème… Pour rien. » Je suis un peu sceptique, mais la journée se passe et les pilotes ne reviennent pas là-dessus. À la fin des essais, je demande aux mécaniciens s’ils ont changé quelque chose : « Strictement rien ! » Est-ce qu’à leur place, je me serai plains aussi ? Possible. Dans tous les cas, la prochaine fois que je demande une modification sur la moto, j’y réfléchirai à deux fois !
je reste convaincu que ces deux courses ont fait de moi un meilleur pilote d’endurance
En outre, même si ces deux courses ont été difficiles pour l’équipe, entre des chutes et des conditions ne permettant pas de révéler son plein potentiel, la somme de « petits détails » que j’ai pu apprendre est incroyable. Je dirais que j’ai appris quasiment autant de choses que si j’avais été pilote titulaire, sauf techniquement en termes de pilotage. Mais j’ai pu voir comment se comporter tel ou tel pilote dans telle ou telle condition et si ce comportement était bénéfique pour lui et pour l’équipe. Et quand on sait comme l’expérience est importante pour briller en Championnat du Monde d’Endurance, je reste convaincu que ces deux courses ont fait de moi un meilleur pilote d’endurance.
Au final, avoir l’opportunité d’être 4e pilote est l’une des meilleures choses qui me soit arrivée. Cela m’a permis de découvrir le monde de l’Endurance d’une façon détournée et l’expérience que j’ai acquise m’évitera certaines erreurs dans le futur. Ensuite, comme souvent, c’est à chacun de trouver un sens à tout ça et de rendre sa présence dans l’équipe utile. Vous pouvez être cuisinier, panneauteur, kiné, ou juste préparer les casques, si vous faites mal votre boulot, l’équipe ne pourra pas gagner.
Dans tous les cas, ça m’a surtout donné envie de rouler et de moi aussi enchaîner les relais dans la nuit, le froid et la pluie… Pourtant c’est très précisément ce qui me dégouttait dans l’Endurance ! Comme quoi…