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Je ne pourrais jamais acheter une BMW R 1200 GS

Tout a été écrit sur la BMW R 1200 GS. Moto la plus vendue au monde. Moto parfaite pour voyager en Afrique ou sur les autoroutes européennes. Moto synonyme de richesses. Pourtant, malgré tout le bien que j’en pense, je ne pourrais jamais en acheter une.

Et ne pensez pas que c’est parce que je n’en ai pas les moyens. Même si c’est vrai : il faudrait que je vive sans dépenser un centime pendant 15 ans pour me la payer. Mais ce n’est pas la bonne raison. Pour être tout à fait sincère, il y a des motos comme la Honda RC213V-S (à 188 000 €) par exemple, pour lesquelles je pourrais braquer un orphelinat dans l’objectif d’en avoir une dans mon garage.

une fois qu’on a découvert de quoi elle est capable, on ne la regarde plus pareil.

Mais pas pour la BMW R 12000 GS. Ce n’est pas non plus parce qu’elle est hideuse. Parce que n’importe qui ayant déjà roulé avec vous le dira : une fois qu’on a découvert de quoi elle est capable, on ne la regarde plus pareil.

Non, la raison à cela est bien plus simple : elle est toujours meilleure. Encore et encore.

Des besoins dont on n’avait pas besoin

Ça me fait penser à l’iPhone. Elle fait partie de ces produits qui répondent à des besoins que l’on n’avait pas. Honnêtement, le monde allait très bien sans une moto capable de traverser la planète dans un confort princier et faire des wheelings sur le troisième rapport. Mais non, maintenant, c’est possible.

tout le monde en veut une.

Et évidemment, au fond de moi, j’en veux une. Parce que tout le monde en veut une. Je vous mets au défi de trouver quelqu’un qui s’en servirait pour allumer sa cheminée si on la lui donnait. Mais le problème avec ça, c’est que comme l’iPhone, la nouvelle est toujours meilleure. Elle fera toujours des trucs qui nous paraissent impossibles. Et ça, c’est frustrant. Ça veut dire que si j’en achète une aujourd’hui, je la trouverai géniale et incroyable seulement parce que la prochaine n’est pas encore sortie. Et maintenant que je le sais, je me dis : à quoi bon acheter celle-ci alors que la prochaine sera meilleure en tous points ?

Premier essai

Pour bien vous faire comprendre cela, il faut que je vous parle de la toute première fois où j’ai conduit une BMW R 1200 GS. C’était en Suisse. Je faisais un stage durant lequel je devais me faire passer pour un client mystère dans plusieurs concessions, dont BMW. J’ai donc demandé à essayer la R 1200 GS de démonstration, tel le riche jeune homme susceptible de s’en acheter une que je n’étais pas. J’ai eu droit à 15 minutes d’essai.

dès que j’ai parcouru 3 centimètres au guidon de la GS, je me sentais comme à la maison

Et bien que tout ce que j’avais à faire était de noter combien de temps après l’essai le vendeur allait me rappeler, j’ai plutôt voulu mettre à profit ces 15 minutes pour savoir de quoi elle était capable. Parce dès que j’ai parcouru 3 centimètres au guidon de la GS, je me sentais comme à la maison. Ses 238 kg (c’était un modèle 2013) étaient restés dans le magasin, avec mon permis de conduire et ma caution. Je me rappelle avoir fait 6 fois le tour d’un rond point en essayant de déclencher une glisse à l’accélération, parce qu’à cette époque, je pensais que les Traction Control n’étaient qu’une invention marketing. J’ai pas réussi.
Le reste du temps, je me suis contenté de profiter de la position parfaite et d’accélérer aussi fort que possible en ligne droite pour profiter du caractère du gros bloc moteur. Et de son bruit. J’avais l’impression de conduire un Bombardier. Je crois que c’est depuis cet essai que je me suis dit que les motos qui n’étaient pas développées pour rouler sur circuit pouvaient tout de même être cool.

Deuxième essai

Avance rapide. On est en 2017, on tourne la saison 2 de High Side. Je remonte sur une BMW R 1200 GS et on attend cette fois de moi que je dise ce que j’en pense. Et pas juste : « Le Traction Control fonctionne ! C’est pas un mensonge ! ». Dès les premiers tours de roues, j’ai retrouvé les mêmes sensations. Mais cette fois-ci, j’ai pu me les expliquer. La facilité était due à la position de son moteur très bas, qui baisse le centre de gravité.

Son guidon mesure 89 centimètres de large !

La sensation de piloter un Bombardier était la résultante de sa taille et de la largeur de son guidon. Il mesure 89 centimètres entre les deux extrémités (celui de la Yamaha MT-07 en fait 72…). On a l’impression d’être aux commandes d’un char Leclerc, mais de la manier comme une trottinette (la dignité en plus). C’est tout simplement jouissif. Chaque rotation de la poignée se traduit par un bombardement des cylindres qui propulse tout l’équipage en avant, sans la moindre perte d’adhérence.

C’est comme si vous étiez doté de super pouvoirs.

Je pourrais passer ma journée à vous raconter à quel point cette moto est géniale. Mais vous n’avez sûrement pas le temps de lire un truc aussi chiant. Alors pour vous la faire courte, retenez que sur une BMW R 1200 GS, chacun de vos gestes a une conséquence décuplée par rapport à une moto normale. Elle bouge avec très peu d’efforts et une précision incroyable pour un trail. C’est comme si vous étiez doté de super pouvoirs.

BMW R 1200 GS Action

Alors vous pouvez imaginer qu’un problème se pose quand il faut trouver des défauts à cette moto. Parce que ça fait partie de ce qui nous est demandé dans un essai High Side. Pour ça, j’ai dû me creuser la tête. Il y avait bien un léger manque de puissance par rapport à la concurrence qui offre des chiffres démesurés (une KTM Super Adventure 1290 développe 160 chevaux, soit 35 de plus).

tout ce qui me restait pour râler, c’était son système de suspensions

Mais je ne pouvais pas décemment critiquer un trail parce qu’il ne fait pas la puissance d’une hypersport d’il y a 8 ans… Alors tout ce qui me restait pour râler, c’était son système de suspensions. Enfin, là aussi, difficile de l’accabler car c’est lui qui contribue à rendre cette machine aussi stable et facile. Mais il offre aussi un feeling particulier. Le train avant n’est pas composé de deux tubes de fourche avec des ressorts, mais d’un seul amortisseur central, qui amortit les chocs et d’un système de biellettes qui permet de braquer la roue.

j’aime bien avoir l’avant qui plonge en entrée de virages

Cela fait qu’elle ne change jamais d’assiette : elle ne plonge pas quand vous freinez. Et c’est assez bizarre. Parce que personnellement, j’aime bien avoir l’avant qui plonge en entrée de virages : ça m’aide à faire tourner la moto et j’ai un meilleur feeling de l’adhérence. Mais bon, la GS est comme ça depuis 1993, alors si c’était vraiment un défaut, les Allemands l’auraient corrigé. Disons que c’est comme les œufs brouillés au petit déj ou les concerts de Vianey. Certains aiment, d’autres détestent. Est-ce que cela veut dire que c’est bon ou mauvais ? Seul Dieu peut en juger. Et moi, étant donné que j’ai dit que c’était un défaut. Mais soyons honnête : un possesseur de GS s’y habituera et ne sera jamais dérangé par cela.

Dernier essai

En revanche, il y a une chose qui me pose problème avec cette moto. Et j’ai réussi à m’en apercevoir qu’en essayant la nouvelle : la BMW R 1250 GS. Depuis cette année, la GS a pris 50 cm3 et une distribution variable. Cela lui permet d’avoir plus de couple (elle passe de 12,8 à 14,5 mkg) et plus de puissance (11 chevaux).

elle est encore meilleure que l’ancienne, qui n’avait pas réellement de défauts.

Comme quoi : je n’aurais même pas osé m’en plaindre, mais les Allemands ont amélioré ce point. Ce qui fait que maintenant, elle est encore meilleure que l’ancienne, qui n’avait pas réellement de défauts.
C’est horrible. Parce que la version précédente est instantanément devenue dépassée, alors qu’elle était parfaite à mes yeux. Bien sûr, vous me direz que c’est le cas avec toutes les motos. Que la dernière est forcément meilleure que l’ancienne. Mais c’est faux. Ce n’est pas forcément le cas. Dans l’histoire d’un modèle, il y a toujours des millésimes meilleurs que d’autres. Un gain par-ci est souvent compensé par une perte par-là. Mais pas avec la GS. Elle, elle est toujours meilleure. Encore et encore. Donc étant donné qu’elle permet de faire des choses dont je n’ai pas réellement besoin, je me dis qu’aussi géniale soit-elle, je ferais mieux d’attendre la prochaine avant d’avoir l’envie de l’acheter