Il m’aura fallu 6 mois d’essai pour aimer l’Aprilia Shiver 900 à sa juste valeur
Aprilia Shiver 900par Adrian
Dernière de notre Hypertest Roadsters, plus lente au chrono et à l’accélération, l’Aprilia Shiver 900 n’était pas vraiment une moto qui me faisait rêver. Pourtant, c’est elle que j’ai vue en ouvrant la porte de mon garage ces 6 derniers mois. Et pour être honnête, j’ai été un peu triste le jour où elle l’a quitté… Je vous explique pourquoi.
Conditions de l’essai
Ce n’est pas souvent que l’on a une moto en essai sur une période aussi longue. Mais c’était important pour l’Aprilia Shiver 900. Car j’ai tout entendu sur cette moto. Du très bon (notamment de propriétaires) comme du très mauvais (de certains collègues journalistes ou de gens qui l’avaient essayée rapidement). Si on ne se fie qu’à notre Hypertest Roadsters, on aurait plutôt envie de rejoindre les seconds. Mais ce comparatif ne juge que la performance pure des machines, sans tenir compte des sensations, du plaisir de conduite ou encore du prix. La vérité devait donc se trouver quelque part entre les deux.
difficile de penser que l’on est en présence d’une moto à moins de 9000€
Il n’y a qu’à la détailler à l’arrêt pour le remarquer. Son look est plutôt sympa, sa position assez naturelle (mais ça, on y reviendra) et son tableau de bord carrément bien fourni. Il est à la fois lisible et stylé. On a toutes les infos importantes, sur un même écran. Par exemple, personnellement, j’aime pouvoir connaître l’heure et la température sans avoir à appuyer sur un bouton.
Quand on voit ce look, son équipement et son package électronique, difficile de deviner que l’on est en présence d’une moto à moins de 9000€.
Toutefois, lors de mes premiers tours de roue à son guidon, j’étais plutôt du côté de ceux qui la détestent. Son principal défaut était l’avant, qui était incroyablement lourd. Il fallait forcer pour tourner le guidon. Aucun feeling lors de la prise d’angle. J’avais l’impression de rouler avec une moto des années 80. La faute à une monte pneumatique d’origine vieillissante : des Dunlop Qualifier II. Ils sont une évolution des Qualifier, qui donnaient des sueurs froides à la plupart des motards par la simple évocation de leur nom. Ils pouvaient faire glisser une moto posée sur sa béquille. J’exagère à peine. Quoiqu’il en soit, ils sont loin des évolutions technologiques qu’ont connu les pneumatiques ces dernières années. Et mettez des vieux pneus sur n’importe quelle machine et elle vous paraîtra vieille…
plus je faisais de kilomètres à son guidon, plus je l’appréciais
La première étape a donc été de lui monter des Pirelli Rosso Corsa II, plus récents et performants. La moto a été métamorphosée : plus naturelle, plus légère, plus agréable. L’essai pouvait alors commencer. Pendant ces six mois, je l’ai utilisée en ville, sur des petites routes, sur autoroute, sur des courts trajets, sur des longs trajets et même sur piste. Et plus je faisais de kilomètres à son guidon, plus je l’appréciais. Parce qu’elle était différente. Il m’a fallu un peu de temps pour comprendre son fonctionnement et ce qu’elle proposait. Ce n’était certainement pas des performances, avec l’un des pires rapports poids/puissance de la catégorie (218 kg pour 95 chevaux). Mais plutôt des sensations moteur, de l’agrément et un certain sentiment de faire corps avec la machine. Je détaille tout ça dans les critères High Side qui suivent.
Moteur de l’Aprilia Shiver 900
J’aime beaucoup les bicylindres en V, sur route. Leur couple est disponible très tôt et c’est exactement ce dont on a besoin dans un usage normal, où on n’a pas la place d’aller chercher les hauts régimes. Les 9,17 m.kg de l’Aprilia Shiver 900 sont disponibles à 6 500 tr/min, c’est beaucoup et c’est tôt. C’est même parmi les valeurs les plus élevées de la catégorie.
KTM Duke 890 R | 10,1 m.kg à 7750 tr/min |
Kawasaki Z900 | 10,1 m.kg à 7700 tr/min |
Yamaha MT-09 | 9,5 m.kg à 7000 tr/min |
BMW F900R | 9,4 m.kg à 6500 tr/min |
Aprilia Shiver 900 | 9,2 m.kg à 6500 tr/min |
KTM Duke 790 | 8,9 m.kg à 8000 tr/min |
Ducati Monster 821 | 8,8 m.kg à 7700 tr/min |
Suzuki GSX-S 750 | 8,1 m.kg à 9000 tr/min |
Triumph Street Triple RS | 8,0 m.kg à 9350 tr/min |
Triumph Street Triple R | 7,8 m.kg à 9000 tr/min |
En fait, ce moteur a de la force. Il ne rechigne jamais à vous sortir des virages et j’avais plutôt envie de rouler un rapport au-dessus à son guidon. La connexion entre le moteur et la poignée de gaz est excellente. On sent précisément chaque cheval passer au sol. Dans ce registre, le mode Touring offre un peu plus de douceur que le mode Sport. Moi qui préfère d’habitude les motos un peu agressives à la reprise des gaz, j’ai utilisé plus fréquemment le mode le plus doux, car je trouve sa façon de délivrer la puissance plus naturelle.
ses 95 chevaux ne m’ont jamais frustré
Pareil pour le Traction Control (réglable sur plusieurs niveaux) qui peut rester déconnecté en permanence, sans avoir à refaire la manipulation à chaque extinction. Rajoutez à cela des vibrations assez agréables, qui donnent un peu de vie au moulin, un son carrément cool, une boîte de vitesses précise et vous avez un excellent package. La seule chose que l’on pourrait lui reprocher est un manque de puissance face à la concurrence. Mais la réalité, c’est que ses 95 chevaux ne m’ont jamais frustré, même pour dépasser sur l’autoroute. Et surtout, ils permettent de rendre la Shiver éligible aux permis A2.
Malheureusement, ce moteur qui équipe aussi l’Aprilia Dorsoduro 900, disparaîtra l’an prochain de la gamme Aprilia, remplacé par le bicylindre en ligne de la nouvelle RS 660, qui devrait se retrouver dans un trail et un roadster.
Freinage
Je n’ai pas grand-chose à dire sur le freinage, si ce n’est que l’ABS est facilement déconnectable (et pour moi qui aime rouler sans, c’est une vraie qualité). Lorsque je le gardais actif, il ne me dérangeait pas sur le frein avant, mais avait tendance à se déclencher un peu tôt lorsque je touchais au frein arrière en entrée de virage.
Pour ce qui est des équipements, les étriers sont siglés Aprilia, et on retrouve un freinage radial avec des disques en 320 mm. Ce ne sont pas ceux qui offrent le plus de puissance, ni de feeling de la catégorie, mais ils font le taf. C’est convenable.
Partie-cycle de l’Aprilia Shiver 900
Ah. On rentre dans le dur. Voici l’élément qui divise le plus quand on évoque l’Aprilia Shiver 900. Déjà , il faut remarquer qu’elle fait appel à des choix techniques originaux (et très italiens) : cadre en treillis tubulaire, amortisseur en position horizontale. C’est ce que l’on retrouve sur les Ducati Monster et ça a pour conséquence de rendre le châssis très rigide. Et un châssis rigide demande des suspensions de bonne qualité. Celles de l’Aprilia Shiver 900 ne sont pas mauvaises, mais il faut être attentif à leur réglage. On y reviendra.
Dans les faits, on peut reprocher deux choses à cette partie-cycle :
- Un manque de stabilité en courbe : une fois sur l’angle, la moto a tendance à louvoyer. L’avant se met à guidonner lentement et l’amortisseur arrière pompe dès que l’on modifie la géométrie de la moto (en lâchant les freins, en remettant les gaz, en passant sur une bosse ou un trou…)
- Une certaine lourdeur : pour passer d’un angle à l’autre ou pour être inscrite en virage, elle demande un peu de force. Elle n’y va pas naturellement, sans avoir besoin de forcer au guidon, comme la plupart de ses concurrentes.
Le premier défaut peut se régler en travaillant sur les suspensions. C’est ce que j’ai fait et la moto a gagné en stabilité et en naturel. Pour ceux que ça intéresse, l’encadré « Et les réglages ?! » en bas d’article rentre plus en détails dans le sujet.
Le second défaut est plus difficile à améliorer. De par son architecture moteur, l’Aprilia Shiver 900 est un peu longue. Son empattement n’est pas très élevé dans la catégorie, mais parce qu’il est compensé par un bras-oscillant assez court. Ces dernières années, les constructeurs cherchent à avoir des blocs moteurs les plus compacts possibles, justement pour gagner en agilité : un bicylindre en ligne sera toujours plus compact qu’un bicylindre en V et donc rendra la moto un peu plus agile. Rajoutez à cela un poids assez élevé et vous comprendrez que la Shiver n’est pas la plus agile de la catégorie… Évidemment, il faut toute proportion gardée et au final, on s’y habitue. Puis ça colle plutôt pas mal à son tempérament moins sportif. Mais ça reste un défaut. Acceptable, certes, mais un défaut quand même.
Confort
On est là en présence d’un roadster, donc forcément, on oublie tout concept de protection face au vent. La position est plutôt en avant, avec une selle qui donne l’impression de bien être calé dans la moto, de faire corps avec elle. C’est plutôt confortable. Pareil pour le duo, qu’elle accepte sans problème. On pourrait juste lui reprocher une selle un peu haute pour les petits gabarits.
Polyvalence de l’Aprilia Shiver 900
Dans l’absolu, elle est moyenne un peu partout, évidemment pas adaptée au tout-terrain et son autonomie d’environ 210 km n’en fait pas une grande voyageuse. Mais si on se contente d’un usage routier normal, à savoir de la ville, de la petite route et de la voie rapide, force est de constater qu’elle fait tout bien. À aucun moment j’étais frustré de devoir l’utiliser pour tel ou tel trajet.
Évidemment, ce n’est pas la plus rapide, ni la plus sensationnelle de par ses performances. En revanche, ce qu’elle apporte en termes de caractère moteur et de rapport qualité-prix vaut vraiment la peine de se pencher dessus. Bon, je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle me manque, mais je garde des bons souvenirs de son passage dans mon garage. Et ça, c’était inespéré.
À mi-chemin entre deux catégories…
Et les réglages ?!
Ciao ciao la Shiver…