J’essayais la nouvelle Aprilia RSV4 1100 Factory sur le circuit du Mugello, en Italie. J’ai baissé les yeux une courte seconde pour ajuster le réglage du contrôle de traction. Quand j’ai relevé les yeux, j’étais déjà dans le virage suivant. Et pourtant, je ne me suis pas sorti.
Pourtant, il était déjà trop tard. Je n’avais plus assez de place pour freiner, plus assez de place pour tourner, plus assez de place pour m’en sortir autrement que dans une volée de graviers, et le fracas des morceaux de carénages qui s’arrachent à chaque nouveau tonneau de l’Aprilia. Mais tout cela n’est pas arrivé. J’ai freiné, le train avant s’est vissé au sol et la moto a même réussi à rejoindre le point de corde. En toute sincérité, pendant quelques secondes, je me suis senti bon, comme touché par la grâce. Mais la réalité, implacable, cruelle, m’a vite rattrapé : en fait, c’est l’Aprilia RSV4 1100 Factory qui pilotait.
La RSV4 1100 Factory a réussi à me faire croire que j’étais meilleur. Et en échange d’un billet de 22 999 euros, ça peut aussi vous arriver.
Donc la mauvaise nouvelle, c’est que je n’ai pas été touché par la grâce. L’Aprilia RSV4 1100 Factorym’a sorti toute seule de cette situation casse-gueule sans me faire verser une goutte de sueur supplémentaire. Pendant quelques secondes, elle a réussi à me faire croire que j’étais meilleur que je ne le suis réellement. Et la bonne nouvelle, c’est qu’en échange d’un billet de 22999 euros, ça peut aussi vous arriver.
La chirurgienne…
Traditionnellement, la RSV4 possède l’un des meilleurs trains avant de la production. Donc traditionnellement, il s’agit d’une des motos de série les plus stables, faciles et rassurantes en entrée de courbe. Vous me direz, avec une nouvelle fourche Öhlins, des étriers Brembo Stylema, des jantes forgées en alu très légères, et une géométrie de moto de course, le contraire aurait été étonnant. Mais en toute franchise, le résultat a dépassé mes espérances. Le freinage est d’une puissance rare, la moto tourne dans un rayon très court et le train avant est aussi précis et intransigeant qu’un contrôle fiscal.
En 10 ans de production, la RSV4 a gagné presque 40 chevaux !
Le Mugello comporte la ligne droite la plus longue de la saison de MotoGP. J’y avais déjà roulé il y a 10 ans pour essayer la première RSV4R. Le circuit m’avait semblé immense. Cette fois, il m’a paru tout petit. Remarquez, c’est normal, car en 10 ans, l’italienne a gagné presque 40 chevaux ! De 180, elle est passée à 217 canassons. Ce qui en fait l’hypersport homologuée de grande série la plus puissante du moment. Et comme elle est une des plus légères (199 kilos avec les pleins), elle accélère aussi fort qu’une flèche dans une arbalète. Le shifter très rapide empêche les temps morts et l’électronique permet de passer chaque cheval au sol.
… l’informaticienne…
Tenez, puisqu’on en parle, souvenez-vous qu’Aprilia a été parmi les premiers à développer à ce point l’électronique sur leur sportive. Et ils possèdent toujours une belle avance à ce sujet. La poignée de gaz électronique est devenue précise (ça n’a pas toujours été le cas), l’anti-wheeling réglable laisse la roue avant se lever juste ce qu’il faut, et le contrôle de traction ajuste la quantité de glisse autorisée avec une précision qui frise l’indécence. Avec une telle tempête de puissance et de couple, le pneu arrière est au bout de sa vie, mais les dérobades sont limitées et on se surprend à se poser de moins en moins de question. Bref, malgré les gros mouvements de la moto à l’accélération, on a confiance.
Avec une telle tempête de puissance et de couple, le pneu arrière est au bout de sa vie, mais (…) on a confiance.
Et pourtant, tout est fait pour ne pas avoir confiance. Le moteur, un V4 de 1078 cm3, a grossi (comme la Tuono il y a un an) pour gagner en couple et en puissance. Car le moyen le plus simple de gagner de la performance, c’est d’augmenter la cylindrée. Outre l’accélération foudroyante, la sonorité qui s’échappe de la ligne en titane est sublime et flippante à la fois. Coup de gaz à l’arrêt : aucune inertie. On dirait un 2-temps. Cette moto respire la course. Le carénage, uniquement disponible en noir, ne s’encombre pas de fioritures. Juste un peu de carbone pour le poids et des ailerons hérités du MotoGP pour stabiliser la moto lors des phases de freinage. La position de conduite est infernale, haute et ferme, mais idéale pour pouvoir se mouvoir sur circuit. Entre deux vibreurs, l’Aprilia RSV4 1100 Factory est chez elle.
… et l’assisté.
En fait, le seul défaut de cette moto, c’est qu’elle est trop évoluée. Je m’explique. Peu de temps après cet essai, je suis allé rouler sur circuit avec ma CBR 1000 RR. Il s’agit d’un modèle 2008 préparé par Franck, donc autant dire qu’elle respire un peu. Mais elle n’a pas d’électronique. J’ai réalisé à quel point le contrôle de traction de l’Aprilia était transparent lorsque, projeté à 2 mètres du sol alors que ma moto ponçait un gauche rapide du circuit du Luc avec ses carénages, j’ai constaté qu’une journée en Aprilia RSV4 1100 Factory avait suffit à m’ôter toute méfiance lors de l’accélération sur l’angle.
Cette moto a fait de moi un assisté.
[ts_toggle admin-label= »Toggle » element-icon= »icon-resize-full » title= »Elle est vraiment différente d’un modèle 2018 ? » description= »Non, pas vraiment. Elle fait « juste » 16 chevaux et 0,7 mkg de plus, les pistons sont 3 mm plus larges, l’électronique est modifiée, le refroidissement est amélioré, les 5e et 6e rapports sont plus longs, le silencieux Akrapovic est de série, la géométrie change, le bras oscillant est plus rigide, la fourche est modifiée, le poids chute de 5 kg, les étriers de freins et plaquettes sont plus performants, l’écran en couleurs est plus lumineux et des ailerons en carbone lui ont poussé. C’est tout. » state= »closed » reveal-effect= »none » reveal-delay= »delay-500″ element-type= »toggle » custom-classes= » » lg= »y » md= »y » sm= »y » xs= »y » ][/ts_toggle]
[ts_toggle admin-label= »Toggle » element-icon= »icon-resize-full » title= »Non, ce n’est pas la plus puissante ! » description= »La RSV4 1100 Factory est l’hypersport de grande série la plus puissante. Seules deux motos homologuées la battent : la Kawasaki H2 et ses 231 chevaux suralimentés est une sport-GT (elle est bien trop lourde pour le circuit) ; et la Ducati Panigale V4R, avec ses 221 chevaux, n’est pas à proprement parler une moto de grande série, puisqu’elle coûte presque 40000 euros et est produite en faibles quantités. Moralité : la RSV4 est une affaire ! » state= »closed » reveal-effect= »none » reveal-delay= »delay-500″ element-type= »toggle » custom-classes= » » lg= »y » md= »y » sm= »y » xs= »y » ][/ts_toggle]