C’est la course la plus dangereuse au monde. Seuls les pilotes les plus chauds de la planète prennent le départ du Tourist Trophy. Il est désormais possible de toucher du doigt ce qu’ils ressentent, avec une manette entre les mains. Après une cinquantaine d’heures de jeu sur PS4, 3 victoires au TT et 5000 km parcourus, voilà ce que j’ai à en dire.
J’ai les mains moites. Je viens de faire frotter mon repose-pied, dans un virage en descente. Je suis rentré à une vitesse un peu trop élevée et la moto était en train d’élargir. Il y avait peu de chance que ça passe, mais je l’ai quand même couchée, en fermant les yeux. Ça valait le coup d’essayer : si je redressais, la moto allait tirer droit, taper la barrière à plus de 120 km/h et je serais mort. Du moins, j’aurais dû recommencer toute ma saison de course… C’est le prix à payer quand on joue à TT Isle of Man 2 en mode Hardcore : une chute et votre championnat est foutu. Il faut tout recommencer. Et c’est ce qui rend ce jeu intéressant…

Le Gameplay
Pourtant, je peux vous dire que je n’étais vraiment pas fan de la première version de TT Isle of Man, premier volet. Pour être tout à fait sincère, je crois que je n’ai jamais terminé la moindre course. Le gameplay était catastrophique. Si vous rentriez un peu trop vite en virage, la moto glissait, devenait incontrôlable et s’écrasait contre le mur. Ça me rendait fou ! La faute à un moteur physique dérivé d’un jeu de voiture (la spécialité de KT Studio, les éditeurs du jeu, qui réalisent également la licence WRC).
Mais pour ce nouvel opus, tout a été revu. La physique a été remise à plat et améliorée en travaillant avec des pilotes du Tourist Trophy : Julien Toniutti et Davey Todd. Résultat : le jeu n’a plus rien à voir. La physique des motos est beaucoup plus réaliste dans leur façon de pencher, de changer de direction… On se fait désormais des réelles sensations, proches de la réalité. Pour cela, les développeurs ont rajouté des artifices qui fonctionnent très bien : plein angle, sur une compression, la moto frotte le sol et une gerbe d’étincelles s’en dégage. Grisant. Si vous frôlez des obstacles à haute vitesse, un effet sonore modifie le bruit du vent. Joussif. Ajoutez à cela une vue casque hyper bien faite (avec l’écran qui se salit au fil des kilomètres et un son feutré) et vous avez l’un des gameplay les plus immersifs du moment. On reprochera juste une moto un peu trop lourde à basse vitesse (les changements d’angle sont interminables et il est difficile d’être précis dans ses trajectoires) et des réactions parfois peu prévisibles sur les bosses (avec un peu d’angle et de la vitesse, c’est la chute assurée). Le rage quit n’est jamais loin…

La difficulté
Il faut bien comprendre une chose : on est ici en présence d’une pure simulation. Il est obligatoire de régler la moto pour être performant : la démultiplication, les suspensions et l’agressivité du freinage sont des points clés. Il faut aussi régler la réactivité des commandes, notamment des joysticks de direction, pour avoir la sensibilité nécessaire à une conduite fluide. Les aides au pilotage sont obligatoires : avec l’ABS désactivé, il sera difficile de freiner sans bloquer l’avant et chuter. Sans le Traction Control, vous aurez toute la puissance à l’accélération, mais la moto cabrera (parfois jusqu’à se retourner sur les bosses) et il sera impossible d’appuyer sur le bouton des gaz à fond sur les premiers rapports. Pour pallier ces difficultés, il faut donc réfléchir à ses passages de vitesses, pour calmer la moto à l’accélération, anticiper certaines zones de freinage, arrondir ses trajectoires… Bref, vous l’aurez compris : il faut se creuser la tête. Si sur la plupart des jeux de moto, on se contente de freiner le plus tard possible, mettre le joystick de direction à fond d’un côté ou de l’autre pour rejoindre le point de corde et accélérer à fond, ici, ce pilotage vous enverra directement dans le décor. Il faut au contraire être souple avec les commandes et ne pas forcer pour rouler vite… Et c’est ce qui rend l’expérience ultra réaliste, c’est précisément de cette façon que les pilotes de road racing racontent comment ils pilotent : en étant détendus et souples dans leur pilotage, sans agressivité.
C’est donc moins intuitif qu’un MotoGP 20, par exemple. Mais une fois que l’on a compris le fonctionnement et que l’on arrive à rouler avec peu d’assistances, c’est un régal.

La modélisation
Côté réalisme, on retrouve aussi une modélisation des motos plutôt soignée. Il faut dire qu’avec les jeux récents, on n’a pas trop de raisons de se plaindre. Le travail sur les textures est vraiment bon. L’équipe du jeu a écumé le paddock du Tourist Trophy avec un appareil photo pour reproduire le plus fidèlement possible les motos. On retrouve 17 modèles différents (8 Superbike, 5 Supersport et 4 Classiques), chacun disponible en plusieurs livrées. Mention spéciale pour la BMW S 1000 RR de Julien Toniutti, qui arbore un clin d’œil à Fabrice Miguet, ainsi que le logo d’une émission de moto que vous connaissez peut-être…

Pour ce qui est de la modélisation des circuits, c’est là aussi pas mal du tout. La plupart sont inventées, sauf celui du Tourist Trophy. Pour ce dernier, c’est un scan 3D des 60 km du tracé qui a été réalisé, pour reproduire les moindres détails du parcours. Un travail titanesque. Pour y avoir déjà posé les roues, c’est impressionnant de fidélité. J’ai lu sur des forums que certains pilotes du TT trouvaient que le placement des spectateurs manquait de réalisme, mais quand vous en êtes à critiquer ça, c’est que le reste est plutôt pas mal…

Les concurrents
Il y a deux types de courses : en paquet ou contre-la-montre. Dans les deux cas, on se retrouve confronté à l’intelligence artificielle, qui incarne les vrais pilotes. Et ils roulent d’une façon similaire aux pilotes du TT : ils mettent peu d’angle, mais ont un placement parfait sur la piste. Grâce à des trajectoires idéales, des points de déclenchement précis, ils passent très vite en virage, en mettant peu de contraintes à la moto. Face à eux, on met plus d’angle, on est plus agressif, mais on passe parfois moins vite… C’est seulement après plusieurs heures de jeu que j’ai compris le fonctionnement et que j’ai pu me battre avec les plus rapides. Bref, là aussi, on a l’impression que c’est l’expérience qui permet de rouler vite. Aucune frustration toutefois car les écarts entre les premiers et les derniers sont conséquents (parfois jusqu’à 15% sur le temps final), ce qui permet de se bagarrer quel que soit son niveau.

La carrière
Le mode Carrière se présente comme une saison complète : vous pouvez choisir entre 3 compétitions tous les week-ends, qui vous rapporteront plus ou moins de crédits et de récompenses en fonction de leur difficulté. Ce crédit permet d’acheter des pièces d’amélioration ou des motos. Attention toutefois : certaines dates se chevauchent et il faudra faire des choix pour participer à un championnat complet par exemple.
Si vous recommencez une course, vous perdez 10% de gain à chaque fois. Si ce n’est pas assez difficile, vous avez le mode Hardcore : impossible de recommencer une course et une chute à plus de 120 km/h mettra fin à votre saison.
Une victoire ou une bonne position et vous remportez des récompenses telles que des couvertures chauffantes, des interviews, de l’intimidation sur vos adversaires … Des aides précieuses pour certaines courses !
Au final, il faudra boucler une bonne vingtaine de courses, avant de pouvoir espérer se qualifier pour le Tourist Trophy. Bien sûr, au cours de votre saison, vous aurez l’occasion de rouler sur le tracé lors du Junior TT (en 600) ou du Classic TT (avec de vieilles machines). En revanche, il faudra marquer assez de points pour vous qualifier pour le vrai Tourist Trophy, la dernière course de la saison. Si vous n’en marquez pas assez, vous êtes bons pour recommencer une saison (environ 4-5 heures de jeu…).

Participer au TT
Étant donné le temps de jeu nécessaire pour se qualifier au Tourist Trophy, la tension avant d’y participer est palpable. Vous commencez en 600, pour une course de 4 tours. En Superbike ou en Senior TT vous devrez en faire 6. Soit environ 1h30 ou 2h de course. Il vous faudra gérer la météo changeante (et le soleil qui vous ébloui dans une partie du circuit), mais aussi vous pointer avec une machine parfaitement réglée, qui vous permet d’avoir une bonne vitesse de pointe, sans être trop pénalisé en sortie de virage lent. Elle devra aussi être assez souple en suspensions pour bien absorber les bosses du circuit (et ne pas vous envoyer dans le décor), mais assez rigide pour rester réactive aux changements de direction. Autant dire que l’on n’arrive pas sur cette course sans préparation.
Et je ne parle même pas de la connaissance parfaite des 60 km du circuit qui est nécessaire pour boucler un tour rapide sans chuter. Personnellement, il m’a fallu environ 20 tours complets avant d’être capable de réaliser un temps correct, sans chute.
Lors de la course, il vous faudra également rentrer au stand à la fin de votre deuxième tour pour faire le plein et changer les pneus. Dans la version précédente du jeu, vous pouviez réaliser 3 tours sans tomber en panne d’essence. Irréaliste en vrai : Julien Toniutti a personnellement veillé à ce qu’il ne soit plus possible de le faire. Cette pause aux stands est bienvenue : la minute qui s’écoule permet de souffler un petit peu et de se détendre les doigts. Attention toutefois à une chose : la vitesse dans les stands est limitée, mais c’est à vous de la réduire. Quand dans la plupart des jeux, vous rentrez à fond dans les stands et le véhicule ralentit automatiquement, ce n’est pas le cas ici. Si vous rentrez à fond, vous êtes disqualifié sur le champ, et vous devrez vous refaire toute une saison avant de participer à nouveau au TT. Je parle en connaissance de cause (j’avoue que j’ai eu très envie de jeter le jeu par la fenêtre quand ça m’est arrivé).
La tension pendant toute la course est maximale… Jamais aucun jeu ne m’a mis dans un tel état de concentration. Étant donné la complexité du tracé, il faut une connaissance parfaite de celui-ci. Ce n’est pas un hasard si les pilotes du TT utilisent les mêmes points de repère dans le jeu que dans la vraie vie. C’était justement leur rôle lors du développement : si un virage passait à fond dans la vraie vie, il fallait que ce soit le cas dans le jeu. Et inversement. Ce qui est incroyable, c’est que la technologie permet aujourd’hui de toucher du doigt ce que doivent affronter les pilotes du TT pour compléter un tour : la gestion de la concentration, la connaissance parfaite du tracé, l’évolution des conditions climatiques… Si vous en doutez, voici un fait : Davey Todd a utilisé la première version du jeu pour préparer sa première préparation au Tourist Trophy. Il a tellement joué, qu’il est parvenu à réaliser le 2e meilleur temps absolu. Quelques mois plus tard, il s’est classé 7e du Tourist Trophy, la meilleure performance de l’histoire pour un newcommer.
Parlons chrono :
Dans le jeu | Dans la vraie vie | |
Meilleur temps absolu | 14:12 | 16:42 |
Meilleur temps de Julien Toniutti | 20:43 | 18:09 |
Meilleur temps de Davey Todd | 15:45 | 17:01 |
Meilleur temps d’Adrian | 16:04 | 4h30 |
Ce qu’on a moins aimé :
Évidemment, le jeu n’est pas parfait. De mon côté, il y a quelques trucs que je lui reproche :
- Un comportement de motos parfois caricatural : il est vraiment impossible de rouler sans assistance. Les réactions sur les bosses sont parfois trop sèches et les wheelings trop violents. La finesse d’une manette n’est pas suffisante pour les maîtriser…
- Le manque de personnalisation : les possibilités de personnalisation sont très restreintes. Il y a 3 livrées par moto et c’est tout : pas de choix de casque, ni de combinaison, ni de style de pilotage. Bien dommage quand on voit ce que proposent les jeux Milestone à ce niveau !
- Pas assez de scénarisation : le jeu est assez froid. On aurait aimé plus d’images du vrai Tourist Trophy pour comparer avec le jeu. Ou encore, des défis pour apprendre comment maîtriser le tracé… Bref, un peu plus de mise en scène ne lui aurait pas fait de mal, malgré son côté simulation revendiqué.

TT Isle Of Man 2 est disponible sur PC, PS4, Xbox One et Switch.