C’est la course la plus dangereuse au monde. Seuls les pilotes les plus chauds de la planète prennent le départ du Tourist Trophy. Il est désormais possible de toucher du doigt ce qu’ils ressentent, avec une manette entre les mains. Après une cinquantaine d’heures de jeu sur PS4, 3 victoires au TT et 5000 km parcourus, voilà ce que j’ai à en dire.
J’ai les mains moites. Je viens de faire frotter mon repose-pied, dans un virage en descente. Je suis rentré à une vitesse un peu trop élevée et la moto était en train d’élargir. Il y avait peu de chance que ça passe, mais je l’ai quand même couchée, en fermant les yeux. Ça valait le coup d’essayer : si je redressais, la moto allait tirer droit, taper la barrière à plus de 120 km/h et je serais mort. Du moins, j’aurais dû recommencer toute ma saison de course… C’est le prix à payer quand on joue à TT Isle of Man 2 en mode Hardcore : une chute et votre championnat est foutu. Il faut tout recommencer. Et c’est ce qui rend ce jeu intéressant…
Le Gameplay
Pourtant, je peux vous dire que je n’étais vraiment pas fan de la première version de TT Isle of Man, premier volet. Pour être tout à fait sincère, je crois que je n’ai jamais terminé la moindre course. Le gameplay était catastrophique. Si vous rentriez un peu trop vite en virage, la moto glissait, devenait incontrôlable et s’écrasait contre le mur. Ça me rendait fou ! La faute à un moteur physique dérivé d’un jeu de voiture (la spécialité de KT Studio, les éditeurs du jeu, qui réalisent également la licence WRC).
Mais pour ce nouvel opus, tout a été revu. La physique a été remise à plat et améliorée en travaillant avec des pilotes du Tourist Trophy : Julien Toniutti et Davey Todd. Résultat : le jeu n’a plus rien à voir. La physique des motos est beaucoup plus réaliste dans leur façon de pencher, de changer de direction… On se fait désormais des réelles sensations, proches de la réalité. Pour cela, les développeurs ont rajouté des artifices qui fonctionnent très bien : plein angle, sur une compression, la moto frotte le sol et une gerbe d’étincelles s’en dégage. Grisant. Si vous frôlez des obstacles à haute vitesse, un effet sonore modifie le bruit du vent. Joussif. Ajoutez à cela une vue casque hyper bien faite (avec l’écran qui se salit au fil des kilomètres et un son feutré) et vous avez l’un des gameplay les plus immersifs du moment. On reprochera juste une moto un peu trop lourde à basse vitesse (les changements d’angle sont interminables et il est difficile d’être précis dans ses trajectoires) et des réactions parfois peu prévisibles sur les bosses (avec un peu d’angle et de la vitesse, c’est la chute assurée). Le rage quit n’est jamais loin…
La difficulté
Il faut bien comprendre une chose : on est ici en présence d’une pure simulation. Il est obligatoire de régler la moto pour être performant : la démultiplication, les suspensions et l’agressivité du freinage sont des points clés. Il faut aussi régler la réactivité des commandes, notamment des joysticks de direction, pour avoir la sensibilité nécessaire à une conduite fluide. Les aides au pilotage sont obligatoires : avec l’ABS désactivé, il sera difficile de freiner sans bloquer l’avant et chuter. Sans le Traction Control, vous aurez toute la puissance à l’accélération, mais la moto cabrera (parfois jusqu’à se retourner sur les bosses) et il sera impossible d’appuyer sur le bouton des gaz à fond sur les premiers rapports. Pour pallier ces difficultés, il faut donc réfléchir à ses passages de vitesses, pour calmer la moto à l’accélération, anticiper certaines zones de freinage, arrondir ses trajectoires… Bref, vous l’aurez compris : il faut se creuser la tête. Si sur la plupart des jeux de moto, on se contente de freiner le plus tard possible, mettre le joystick de direction à fond d’un côté ou de l’autre pour rejoindre le point de corde et accélérer à fond, ici, ce pilotage vous enverra directement dans le décor. Il faut au contraire être souple avec les commandes et ne pas forcer pour rouler vite… Et c’est ce qui rend l’expérience ultra réaliste, c’est précisément de cette façon que les pilotes de road racing racontent comment ils pilotent : en étant détendus et souples dans leur pilotage, sans agressivité.
C’est donc moins intuitif qu’un MotoGP 20, par exemple. Mais une fois que l’on a compris le fonctionnement et que l’on arrive à rouler avec peu d’assistances, c’est un régal.
La modélisation
Côté réalisme, on retrouve aussi une modélisation des motos plutôt soignée. Il faut dire qu’avec les jeux récents, on n’a pas trop de raisons de se plaindre. Le travail sur les textures est vraiment bon. L’équipe du jeu a écumé le paddock du Tourist Trophy avec un appareil photo pour reproduire le plus fidèlement possible les motos. On retrouve 17 modèles différents (8 Superbike, 5 Supersport et 4 Classiques), chacun disponible en plusieurs livrées. Mention spéciale pour la BMW S 1000 RR de Julien Toniutti, qui arbore un clin d’œil à Fabrice Miguet, ainsi que le logo d’une émission de moto que vous connaissez peut-être…
Pour ce qui est de la modélisation des circuits, c’est là aussi pas mal du tout. La plupart sont inventées, sauf celui du Tourist Trophy. Pour ce dernier, c’est un scan 3D des 60 km du tracé qui a été réalisé, pour reproduire les moindres détails du parcours. Un travail titanesque. Pour y avoir déjà posé les roues, c’est impressionnant de fidélité. J’ai lu sur des forums que certains pilotes du TT trouvaient que le placement des spectateurs manquait de réalisme, mais quand vous en êtes à critiquer ça, c’est que le reste est plutôt pas mal…
Les concurrents
Il y a deux types de courses : en paquet ou contre-la-montre. Dans les deux cas, on se retrouve confronté à l’intelligence artificielle, qui incarne les vrais pilotes. Et ils roulent d’une façon similaire aux pilotes du TT : ils mettent peu d’angle, mais ont un placement parfait sur la piste. Grâce à des trajectoires idéales, des points de déclenchement précis, ils passent très vite en virage, en mettant peu de contraintes à la moto. Face à eux, on met plus d’angle, on est plus agressif, mais on passe parfois moins vite… C’est seulement après plusieurs heures de jeu que j’ai compris le fonctionnement et que j’ai pu me battre avec les plus rapides. Bref, là aussi, on a l’impression que c’est l’expérience qui permet de rouler vite. Aucune frustration toutefois car les écarts entre les premiers et les derniers sont conséquents (parfois jusqu’à 15% sur le temps final), ce qui permet de se bagarrer quel que soit son niveau.
La carrière
Le mode Carrière se présente comme une saison complète : vous pouvez choisir entre 3 compétitions tous les week-ends, qui vous rapporteront plus ou moins de crédits et de récompenses en fonction de leur difficulté. Ce crédit permet d’acheter des pièces d’amélioration ou des motos. Attention toutefois : certaines dates se chevauchent et il faudra faire des choix pour participer à un championnat complet par exemple.
Si vous recommencez une course, vous perdez 10% de gain à chaque fois. Si ce n’est pas assez difficile, vous avez le mode Hardcore : impossible de recommencer une course et une chute à plus de 120 km/h mettra fin à votre saison.
Une victoire ou une bonne position et vous remportez des récompenses telles que des couvertures chauffantes, des interviews, de l’intimidation sur vos adversaires … Des aides précieuses pour certaines courses !
Au final, il faudra boucler une bonne vingtaine de courses, avant de pouvoir espérer se qualifier pour le Tourist Trophy. Bien sûr, au cours de votre saison, vous aurez l’occasion de rouler sur le tracé lors du Junior TT (en 600) ou du Classic TT (avec de vieilles machines). En revanche, il faudra marquer assez de points pour vous qualifier pour le vrai Tourist Trophy, la dernière course de la saison. Si vous n’en marquez pas assez, vous êtes bons pour recommencer une saison (environ 4-5 heures de jeu…).
Participer au TT
Étant donné le temps de jeu nécessaire pour se qualifier au Tourist Trophy, la tension avant d’y participer est palpable. Vous commencez en 600, pour une course de 4 tours. En Superbike ou en Senior TT vous devrez en faire 6. Soit environ 1h30 ou 2h de course. Il vous faudra gérer la météo changeante (et le soleil qui vous ébloui dans une partie du circuit), mais aussi vous pointer avec une machine parfaitement réglée, qui vous permet d’avoir une bonne vitesse de pointe, sans être trop pénalisé en sortie de virage lent. Elle devra aussi être assez souple en suspensions pour bien absorber les bosses du circuit (et ne pas vous envoyer dans le décor), mais assez rigide pour rester réactive aux changements de direction. Autant dire que l’on n’arrive pas sur cette course sans préparation.
Et je ne parle même pas de la connaissance parfaite des 60 km du circuit qui est nécessaire pour boucler un tour rapide sans chuter. Personnellement, il m’a fallu environ 20 tours complets avant d’être capable de réaliser un temps correct, sans chute.
Lors de la course, il vous faudra également rentrer au stand à la fin de votre deuxième tour pour faire le plein et changer les pneus. Dans la version précédente du jeu, vous pouviez réaliser 3 tours sans tomber en panne d’essence. Irréaliste en vrai : Julien Toniutti a personnellement veillé à ce qu’il ne soit plus possible de le faire. Cette pause aux stands est bienvenue : la minute qui s’écoule permet de souffler un petit peu et de se détendre les doigts. Attention toutefois à une chose : la vitesse dans les stands est limitée, mais c’est à vous de la réduire. Quand dans la plupart des jeux, vous rentrez à fond dans les stands et le véhicule ralentit automatiquement, ce n’est pas le cas ici. Si vous rentrez à fond, vous êtes disqualifié sur le champ, et vous devrez vous refaire toute une saison avant de participer à nouveau au TT. Je parle en connaissance de cause (j’avoue que j’ai eu très envie de jeter le jeu par la fenêtre quand ça m’est arrivé).
La tension pendant toute la course est maximale… Jamais aucun jeu ne m’a mis dans un tel état de concentration. Étant donné la complexité du tracé, il faut une connaissance parfaite de celui-ci. Ce n’est pas un hasard si les pilotes du TT utilisent les mêmes points de repère dans le jeu que dans la vraie vie. C’était justement leur rôle lors du développement : si un virage passait à fond dans la vraie vie, il fallait que ce soit le cas dans le jeu. Et inversement. Ce qui est incroyable, c’est que la technologie permet aujourd’hui de toucher du doigt ce que doivent affronter les pilotes du TT pour compléter un tour : la gestion de la concentration, la connaissance parfaite du tracé, l’évolution des conditions climatiques… Si vous en doutez, voici un fait : Davey Todd a utilisé la première version du jeu pour préparer sa première préparation au Tourist Trophy. Il a tellement joué, qu’il est parvenu à réaliser le 2e meilleur temps absolu. Quelques mois plus tard, il s’est classé 7e du Tourist Trophy, la meilleure performance de l’histoire pour un newcommer.
Parlons chrono :
Dans le jeu | Dans la vraie vie | |
Meilleur temps absolu | 14:12 | 16:42 |
Meilleur temps de Julien Toniutti | 20:43 | 18:09 |
Meilleur temps de Davey Todd | 15:45 | 17:01 |
Meilleur temps d’Adrian | 16:04 | 4h30 |
Ce qu’on a moins aimé :
Évidemment, le jeu n’est pas parfait. De mon côté, il y a quelques trucs que je lui reproche :
- Un comportement de motos parfois caricatural : il est vraiment impossible de rouler sans assistance. Les réactions sur les bosses sont parfois trop sèches et les wheelings trop violents. La finesse d’une manette n’est pas suffisante pour les maîtriser…
- Le manque de personnalisation : les possibilités de personnalisation sont très restreintes. Il y a 3 livrées par moto et c’est tout : pas de choix de casque, ni de combinaison, ni de style de pilotage. Bien dommage quand on voit ce que proposent les jeux Milestone à ce niveau !
- Pas assez de scénarisation : le jeu est assez froid. On aurait aimé plus d’images du vrai Tourist Trophy pour comparer avec le jeu. Ou encore, des défis pour apprendre comment maîtriser le tracé… Bref, un peu plus de mise en scène ne lui aurait pas fait de mal, malgré son côté simulation revendiqué.
TT Isle Of Man 2 est disponible sur PC, PS4, Xbox One et Switch.
[ts_toggle admin-label= »Toggle » element-icon= »icon-resize-full » title= »L’interview du studio de développement KT Studio » description= »Vous êtes déjà allés sur l’Île de Man ? ?
On y est allé pendant la compétition, deux fois. Puis pendant le game-concept. C’est un endroit particulier. On y est allé pour prendre des contacts. Il faut savoir que c’est un gouvernement à part et c’est avec eux que l’on discute de la licence et de ce que l’on va faire dans le jeu. On a vu la compétition plusieurs fois, on a fait le tour du circuit avant la compétition. On a pu se balader sur tout le circuit et enregistrer toutes les références.
Vous y êtes donc allé pour des raisons administratives, mais aussi pour bosser sur le jeu ?
On envoie l’équipe tous les ans là-bas, pour prendre des références. Faire des photos des motos, parce qu’on les reproduit en 3D, mais on reproduit aussi les sponsors, ce que l’on appelle la livrée. Et il faut être précis car quand un pilote a un sponsor, il veut l’avoir dans le jeu… Après on a des échanges avec eux, on les fait valider pour que l’on soit plus précis possible. La meilleure façon de faire ça, surtout pour le TT, c’est une fois par an…
C’est à ce moment là que vous modélisez le circuit également ?
La modélisation on l’a faite la première fois. On a demandé à une entreprise spécialisée là-dedans de prendre les données lasers : ils scannent la route avec une voiture. On a la base comme ça. Et après, on y va chaque année avant qu’ils ne ferment la route. On prend une voiture avec une GoPro et on fait le tour. Notre graphiste principal prend cette vidéo de tout le circuit et il l’analyse. La structure de la route ne va pas changer en général. Mais il regarde tout ce qui a changé par rapport à ce que l’on a déjà. Il compare les deux. Si une maison a été repeinte, il faut la repeindre. Parce que la maison bleue, c’est là où on passe la 4ème, donc il faut qu’elle soit bleue dans le jeu. Et parfois, quand ils refont le revêtement, il y a moins de bosses. Là en 2019, il y avait moins de bosses qu’en 2018, donc on le corrige aussi dans le jeu.
Donc pour récapituler : la voiture qui scanne la route vous donne un rendu 3D du parcours et…
C’est une sphère, qui envoie des millions de points à chaque instant et on récupère des impacts et des couleurs. Ce sont des millions de points tous les 10 mètres… Quand on affiche tous les points, sans les traiter (c’est ce que l’on appelle un nuage de points), tu as déjà une scène en 3D. On voit les arbres, les voitures garées sur le bord de la route (car la route n’est pas fermée à ce moment-là). On voit tout précisément. Après, il faut qu’on interprète ces données là. Parce que des points dans l’espace, visuellement, ça marche à peu près, mais faut délimiter les espaces : la route, le trottoir… Enlever les voitures et modéliser ce qu’il y a en-dessous. Et puis les surfaces, les systèmes de collision…
Combien de temps il faut pour modéliser le tracé ?
Le tracé, c’est hyper long. Mais ce travail a été fait en grande partie sur le premier opus. Le tracé ne change pas beaucoup, on n’a fait que des améliorations entre le 1 et le 2. Je crois que le tracé définitif date de 1923… Donc ça fait presque un siècle que le tracé n’a pas changé. Mais ce sont des vraies routes, donc elles sont améliorées, et changées au fil du temps. Mais récupérer ces milliards de points pour créer un mesh 3D et pouvoir l’intégrer au jeu, ça a été un travail énorme… Il a fallu créer des outils pour ça. Le circuit du TT, c’est 60 km, le plus grand circuit du monde. On peut mettre tous les circuits du monde dans ce circuit ! C’est vraiment énorme. Donc la technologie de récupération des datas, c’était une chose, mais il fallait aussi les traiter et les intégrer au jeu. C’est un énorme travail. Puis une fois que tu as ça, il n’y a pas les 60 km en mémoire dans la console ou le PC. On a des techniques de streaming qui permettent de lire les datas au fur et à mesure que l’on avance sur le circuit… Et les mecs sont à plus de 300 km/h, donc derrière, ça stream fort ! Tout ça, ce sont des technologies que l’on a développées principalement pour TT.
Ce n’est pas le cas dans les autres jeux donc ?
Si, maintenant on utilise cette technologie dans tous nos autres jeux. Ça nous permet de faire passer la technologie dans différents jeux, de WRC à TT, puis re-WRC, puis TT2, etc. Cela fait que l’on peut gérer des environnements plus grands. La physique depuis WRC5, TT1 et TT2 a beaucoup évolué. Entre TT1 et TT2, ça a été vraiment une remise à niveau, on a à peu près tout refait. Sur les WRC, c’est itératif et on arrive à quelque chose qui est proche de la simulation. Parce que TT, ce que l’on veut, c’est être le plus proche de la réalité possible. C’est pas un jeu d’arcade, c’est pas un jeu facile. C’est clair que c’est un marché de niche… Mais ce qu’on veut c’est que les gens qui jouent au TT, ce sont principalement des fans, soient heureux. Il faut qu’ils aient vraiment l’impression d’être sur une moto. C’est dur, c’est exigeant comme compétition et on veut être le plus proche de la réalité possible.
Vous arrivez à estimer le temps que cela prend de modéliser et développer le jeu ?
Le circuit du TT, énormément de temps, mais on ne le refait pas à chaque fois. Par contre, faire une moto, un pilote, on sait combien de temps il faut. On ne va pas rentrer dans le détail, mais ce sont des technologies que l’on connait bien. Une moto ce n’est pas une voiture, c’est un peu différent en timing de production…
C’est l’avantage d’être un studio spécialisé dans les jeux racing : on sait combien nous coute le développement d’un circuit en fonction nombre de kilomètres… Et à chaque fois, on fait un peu mieux en production et en technique, en simulation physique. C’est l’avantage d’être concentré sur le marché des jeux de course.
Vous avez votre propre moteur, le KT Engine. Qu’est-ce que vous devez modifier pour le faire fonctionner sur une moto par rapport à une voiture ?
Pour ce qui est du rendu, cela ne change pas beaucoup… Faire des roues pour les motos ou les voitures, c’est à peu près pareil. On sait faire du carbone, de la peinture mat… C’est relativement similaire. Par contre, ce que l’on appelle le moteur physique, c’est-à-dire le comportement de la moto, là c’est complètement différent. L’erreur à ne pas faire, c’est se dire qu’une moto, c’est une voiture à deux roues. Pas du tout. Ça n’a rien à voir. Une moto, c’est tout le temps en équilibre… C’est super important de gérer son centre de gravité, ses mouvements… Le pilote fait partie de la moto. C’est un développement qui a été super important sur le jeu. Sur TT1, on n’avait pas énormément d’expérience sur ce type de dynamique, on a été aussi loin que l’on pouvait, mais on savait que certains comportements, n’était pas très réalistes…
Et comment vous faites pour retranscrire les sensations d’une moto, dans le jeu vidéo ?
On a deux choses que l’on utilise. Les données physiques : il y a des livres entiers sur le comportement d’une moto, l’équilibre sur deux roues… Il y a des formules mathématiques, ce que l’on sait faire, le fonctionnement d’un moteur… Finalement, le plus simple, théoriquement, c’est de reproduire la réalité. Une moto, c’est un moteur, une chaine de transmission, des pneus, des freins… Mais plutôt que de déplacer un objet sur une route, on gère une partie-cycle, sur des pneus, et on essaie de reproduire tous ce systèmes là de la façon la plus réaliste possible. Et quand tout ça converge vers quelque chose de réaliste, c’est que l’on n’a rien oublié et qu’on a un système de simulation qui est crédible, qui fait un bon jeu. Et derrière, on demande à Julien, à Davey, de venir tester… On a des spécialistes de jeux moto qui testent… Parce que personnellement, je ne suis pas spécialiste, je ne suis pas un bon pilote. On peut détecter les comportements bizarres, mais être vraiment précis, c’est autre chose. Et quand un Julien ou un Davey vient nous voir en disant : « ce virage là, je le prends en 5ème dans le jeu, comme dans la réalité. J’ai essayé de le prendre en 6ème et je me suis crashé. Je sens bien ma moto, les vibrations, le centre de gravité comme il est sur ma moto. J’ai les mêmes limites et les mêmes sensations qu’avec une vraie moto ». Là, on se dit qu’on est pas mal.
Et pour simuler les sensations, il y a bien sûr la simulation physique, mais on rajoute aussi des compléments. Par exemple, le son. Sur le 2, on a fait un gros travail sur le son des moteurs des motos, mais aussi l’immersion, quand on est sur la moto. Puis ce que l’on appelle les « effets woosh », quand on passe une maison, un arbre… On a fait un traitement sonore particulier suivant la caméra utilisée, si on est dans le casque ou derrière la moto, pour se rapprocher de ce que les motards du TT entendent quand ils ont le casque, un son plus étouffé. Ça complète. Ça marche main dans la main avec un comportement de la moto beaucoup plus réaliste.
Qu’elles ont été les plus grosses difficultés pour développer ce jeu ?
David : La physique des motos. Puis, le fait de rajouter les classiques. C’est quelque chose qui était demandé par les joueurs… Ça fait partie de l’esprit du TT. Chaque moto est très différente. Comment elle se comporte ? Parce qu’on a un spectre de 20 ans sur les motos que l’on a choisi. Elles sont très différentes. On parle de qualité de freins, de qualité de gommes… C’est très différent d’une époque à une autre.
Comment vous avez fait pour prendre les données de ces motos ?
Bah là, tu t’adresses à des spécialistes… Julien par exemple nous a donné beaucoup de feedback sur les motos récentes. On peut aussi s’adresser à des collectionneurs… On a été au Castellet pour la SRC, rencontrer des gens qui possèdent ces motos, des spécialistes de MV Agusta ou autres. On croise nos informations : ce que l’on peut récupérer sur Internet, les collectionneurs, les gens qui les conduisent aujourd’hui…
Il y a une autre difficulté particulière ?
C’est pas simple de faire un jeu, globalement (rires). On avait l’envie de faire un mode carrière qui ait du sens, par rapport à ce qu’est le TT et ce que l’on appelle le road racing. On ne part pas sur de la compétition genre MotoGP. On veut vraiment immerger le joueur dans cet univers qui est vraiment particulier. Des Dunlop, des McGuinness, ce sont des mecs super bons dans cette discipline, qui ne sont pas des pilotes de MotoGP… C’est vraiment une passion, un type de pilotage qui est vraiment particulier et on voulait donner cette possibilité de rentrer dans cet univers. Essayer de comprendre ce qui faisait ces pilotes… On a parlé avec des Julien, plein de gens comme ça, qui nous ont expliqué comment aller au TT. Il y a de l’apprentissage, il faut « valider » son ticket d’entrée d’une façon ou d’une autre et c’est ce que l’on a fait dans le mode Carrière. Il faut équilibrer tout ça, voir où sont les points de stratégie… Dans le premier TT, on n’avait pas fait attention, mais tu peux faire 3 tours avec un plein… Toutes ces questions là, on se les ait reposées pour un mode Carrière un peu canon. Combien de pneus ils prennent ? Qu’est ce qu’ils changent au pit stop ? Ils ont des réservoir légèrement plus gros pour pouvoir tenir deux tours par rapport à la version de série. C’était important de comprendre toutes ces choses là. Il faut gérer son calendrier, car il y a plein de courses toute l’année… On retranscrit les compétitions comme le Manx dans le jeu. Le mec doit aller chercher ses signatures ou, comme Julien, gagner de la visibilité, du prestige, pour pouvoir aller au TT. Si tu gagnes le Manx, c’est une porte d’entrée sur le TT.
Il y a un point en particulier sur lequel il a été important d’avoir Julien ?
Il nous a aidé sur plein d’aspects : les performances, les chiffres, les trajectoires… Si je devais en retenir un, ce serait, toujours notre priorité : un comportement le plus réaliste possible des motos. Le fait que l’on ait Julien assez tôt, qui nous corrige et qui nous dise : « Il y a des défauts, mais je retrouve globalement un comportement de moto, tel que je le connais sur le TT. Je me revois sur ma moto. » Là, on s’est dit, OK, on est dans la bonne direction. C’était le plus important pour nous. On prend ses feedbacks, on va corriger les distances de freinage, etc. Mais lui il sait vraiment ce qu’est le TT, il dit qu’on est dans la bonne direction, on continue comme ça. C’était vraiment l’étape la plus importante pour nous.
On a Davey, qui était 2ème au classement du jeu, car il y a joué des centaines d’heures. Et il nous dit : « Je reconnais mes repères. Cette petite bosse, elle est dans le jeu et dans la réalité ». C’est super important.
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Je pense qu’il a appris le TT, grâce au jeu. Tu te dis que c’est tellement dangereux, cette compétition, que je pense qu’on a sauvé des vies… (rires). On ne veut pas se la raconter comme ça. Mais c’est dans leur apprentissage, un outil extraordinaire. On parlait d’un jeu qui date de 2003, sur PS2, qui s’appellait Tourist Trophy, c’était pas le même niveau de réalisme… Ça a aidé des joueurs à l’époque… Cette compétition, elle est magique. Quand tu es motard, tu as des étoiles dans les yeux. Parce que tu sais que les mecs qui y vont sont des guerriers. Ils n’ont pas peur de mourir. C’est vrai qu’il y a pas mal d’accidents depuis que la compétition a été créé. Le jeu est aussi un outil pour apprendre et prendre moins de risques finalement quand les mecs y vont. Quand Davey a limé le jeu pendant un an, va au TT et fait 6ème et 2ème meilleur nouveau pilote de tous les temps, ça a une vraie valeur.
Ce qu’il expliquait aussi, c’est que ça l’a aidé à construire sa confiance pour aller au TT. 3-4 mois avant d’y aller, il s’est dit : « Je ne peux pas faire ça, c’est un autre monde, c’est trop… ». Surtout qu’il faisait énormément de motocross avant ; il s’est mis très tard au road race, en 2015. En 2018, il fait son premier TT, c’est très rapide tout ça. Et il nous expliquait qu’en jouant au jeu, il a commencé à être top 10, dans le leaderboard, puis top 5, top 3… Et là il s’est dit : « OK, en fait je connais le circuit » et ça a construit la confiance dont il avait besoin pour y aller.
On est très fiers de cette histoire
Vous pouvez !
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