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Triumph Street Triple 765 RS : Triple good news

La Triumph Street Triple 675 RS n’avait pas pour mission principale d’être plus performante. Mais nos voisins anglais n’ont pas pu s’en empêcher.

Le contexte

J’ai été invité par Triumph pour essayer la Triumph Street Triple 765 RS 2020 dans le sud de l’Espagne, à Carthagène, sur route puis sur le circuit du même nom pour me faire un avis sur la question. Ayant possédé personnellement la première et la quatrième génération du bestiau, en plus d’avoir testé toutes les autres dans le cadre de mon taf, je pense avoir une ou deux choses à dire sur cette évolution.

Comment la Triumph Street Triple 765 RS a évolué ?

J’apprends à la conférence de presse que la priorité de la nouvelle Triumph Street Triple 765 RS était de répondre à la norme Euro 5, ce qui en gros veut dire qu’elle devait réduire ses émissions de gaz, de carburant et d’huiles imbrulées, ainsi que sa nuisance sonore. On pouvait donc s’attendre à une Street plus fadasse. Plus respectueuse des bébés phoques et des sonotones trop sensibles, mais moins performante. Et franchement si c’était pour sortir ça, Triumph aurait pu juste nous envoyer un mail qui tient en 2 lignes. Ça nous aurait épargné 6 avions, 3 jours de transports et 3 nuits sur-climatisées dans des lits trop grands avec trop d’oreillers, tout ça pour essayer une mauvaise nouvelle. Eh bien, ce n’est pas le cas. Cette Triumph Street Triple 765 RS 2020 n’a presque pas de mauvaises nouvelles à annoncer.

Plus respectueuse des bébés phoques et des sonotones trop sensibles ? Pas seulement.

Car heureusement pour nous, nos voisins anglais ont les chevilles sacrément enflées, et de l’ego bien placé : « la Street Triple est la référence de sa catégorie sur le marché. Et une référence se doit de montrer l’exemple. Il fallait donc absolument que la Street Triple reste la meilleure ». Ce sentiment de supériorité qui dégouline de la conférence est totalement justifié dans le cas de la Street Triple. En tous cas je l’ai toujours pensé. Hors de question de régresser, et décevoir les 24000 mecs qui ont opté pour l’anglaise en France depuis 2007. Cette nouvelle Triumph Street Triple 765 RS, en plus d’avoir développé une petite fibre écolo, est au moins aussi performante sur certains points, et plus encore sur d’autres, par rapport à l’ancienne. Cerise sur le gâteau : elle reste au même tarif. Et ça, c’est une triple bonne nouvelle.

  

Le moteur de la Triumph Street Triple 765 RS

Alors d’abord voici ce qui change concrètement : il passe désormais les normes Euro 5 grâce à un double catalyseur dans la ligne d’échappement. Le silencieux est redessiné de l’intérieur et de l’extérieur avec une sortie plus stylée cerclée de carbone. Pour optimiser ses performances et ne pas subir de pertes suite à l’ajout de catalyseurs, le trois-cylindres a bénéficié des améliorations développées en championnat du monde Moto2 (hé ouais c’est la même base moteur) : nouvel arbre à cames d’échappement, nouveau conduit d’admission, inertie réduite grâce à un meilleur usinage du vilebrequin, de l’embrayage et des balanciers d’équilibrage… Le résultat c’est un gain de 9% de couple à 8 000 tr/min pour un couple maximal de 7,9 mkg à 9 350 tr/min, et une puissance maximale identique de 123 chevaux à 11 750 tr/min, mais supérieure de 9% aussi à 8 000 tr/min.

Pas plus puissant ni plus coupleux dans l’absolu, mais à certains régimes moteur.

Tout ça, ça ne vous dit pas si ce moteur est cool. Dans les faits, c’est le cas. Si vous avez possédé une Street entre 2017 et 2019, soit la génération qui a précédé cette 765 RS 2020, alors vous ne verrez pas de changement énorme. En revanche, comparé à la 675 de 2014 qui est dans mon garage, grimper sur la dernière fait le même effet que de sortir d’un sommeil cryogénique de plusieurs décennies. Le genre de réveil option « tête dans le cul » doublé d’une gueule de bois. C’est un saut dans le futur un poil déstabilisant. À l’oreille je reconnais pourtant bien le sifflement du trois-cylindres, qui n’est pas franchement plus discret à l’usage contrairement à ce que je craignais avec la nouvelle norme. Mais les ressemblances s’arrêtent là. Les sensations à bord sont totalement différentes. Et c’est globalement le fameux « feeling » qui change. Le ressenti du pilote si vous préférez. La poignée de gaz électronique et le velours de l’injection donnent l’impression de rouler sur une route en coton. J’ai perdu cette connexion ferme, à la précision micrométrique avec le pneu arrière, des modèles plus anciens avec accélérateur à câble. Tout est enrobé d’une épaisse couche de guimauve sur la nouvelle. En sensations, je dirais que ce n’est ni mieux ni moins bien, c’est différent. En efficacité en revanche, il n’y a pas photo : on joue dans la catégorie supérieure.

Un feeling différent, plus enrobé, plus cotonneux

Le frein moteur semble totalement inexistant sur cette 765 comparé au 675. Stuart Wood, le chef ingénieur de Triumph (voir son ITW à la fin de l’article) me dit d’un ton sarcastique, au détour d’une pause-café sur le tracé routier, que si je n’ai pas assez de frein moteur je n’ai qu’à tomber une vitesse de plus. Merci, je me doute bien. Pour une raison que j’ignore, il n’a pas d’humour quand il s’agit de causer frein moteur, l’Anglais. En tout cas, la sensation que l’on a n’est pas seulement une question de rapport engagé et de tours par minute. Ce moteur offre une énergie constante, sans inertie à l’accélération comme au rétrogradage. Difficile de savoir parfois si l’on est en 2, en 3 ou en 4. Bluffant (et même perturbant sur circuit). On a presque l’impression, grâce à ses reprises à bas régimes, et à cette allonge (12 500 tours) qu’on peut rester éternellement sur le même rapport. La facilité d’utilisation de ce moteur, elle, ne dépend que du mode choisi parmi les 4. J’ai une préférence pour le Track, celui qui est le moins filtré. Sans antipatinage (il est déconnectable), au cas où l’envie de cabrer salement vous viendrait.

Difficile de savoir parfois si l’on est en 2, en 3 ou en 4. Bluffant.

D’ailleurs la seule chose qui me faisait jouer de la boîte c’est le plaisir d’actionner le shifter.

Côté changement de vitesses, il faut dire que les Street et autres Daytona n’ont jamais été les meilleures. Avec une sélection des vitesses pas toujours très précise. Triumph annonce un travail sur l’usinage de la boîte de vitesses pour une meilleure précision lors des changements de rapports et un premier et second rapport de boîte plus courts. C’est un poil mieux en effet. Mais ce que je trouve vraiment bien, c’est le nouveau down-shift : on tombe les vitesses gaz coupés sans toucher à l’embrayage. La moto met un coup de gaz toute seule grâce à ce qu’on appelle le « blipper » (se prononce « blippeur »), pour faire rentrer le rapport, et gère le frein moteur en le faisant pratiquement disparaître. Les phases de freinage deviennent drôles grâce à ce gadget habituellement dédié à des sportives ou à des motos très haut de gamme. Je sais, ce que je vais écrire est improbable, mais pourtant vrai : s’arrêter devient marrant.

C’est vrai maintenant : s’arrêter devient marrant

Le freinage de la Triumph Street Triple 765 RS

On reste sur l’équipement de la précédente RS : Brembo monobloc M50 et commande de frein Brembo réglable au niveau de la cinématique : le bras de levier est modifiable via une molette sur le maître cylindre et permet de changer la réponse au toucher du levier, plus ou moins mordant. Mon reproche : malgré l’équipement, le freinage n’est pas aussi impressionnant qu’on l’imaginerait. Ça manque un peu de mordant, et de feeling. L’effet de l’ABS qui tend à enlever cette sensation précise de friction que j’aime sentir quand je touche un levier de frein. Pire encore, il est désormais impossible de désactiver l’ABS. Euro 5 l’interdit et ne fait de dérogation que pour les motos à caractère off-road, comme les trails. Pour les autres, il ne sera plus possible de désactiver le système. Autant sur route aucun intérêt de le virer, mais sur circuit, il s’active régulièrement et fige la direction et la puissance de freinage. Si c’est vraiment un souci pour vous, sachez qu’il suffit de virer le fusible ABS sous la selle. Ça reste entre nous, je ne vous ai rien dit.

Le châssis  de la Triumph Street Triple 765 RS

On conserve toujours ici une excellente agilité et un niveau de précision au sommet de la catégorie. Le seul compromis réalisé par Triumph ces dernières années c’est la souplesse (réglable) des suspensions qui peut grever un poil la stabilité avec plus de mouvements à bord. Ça bouge pas mal mais toujours de manière précise. À vous de sortir le tournevis pour la freiner en hydraulique, et la rendre un peu plus précise et stable, au détriment du confort. Pour la facilité, rien à dire, c’est un sans-faute. Je regrette sur circuit une garde au sol perfectible, même si là encore, c’est pour offrir une position de conduite moins contraignante au quotidien, avec des repose-pieds plus bas. Mais une sensation est vraiment déroutante : celle d’être infaillible dans les virages. Certaines motos demandent de la poigne pour rentrer en courbe à hautes vitesses. D’autres de freiner fort et de garder les freins en entrée de virage si on veut qu’elles tournent. La Triumph Street Triple 765 RS 2020 m’a un peu gâché ce plaisir. Je n’avais tout simplement rien à faire. Aucun engagement physique, pas le moindre, n’est nécessaire pour lui faire prendre une corde inespérée. Vous savez, le genre de virage ou l’on croit rentrer trop large, où on est certain de ne pas pouvoir y aller sans forcer sur la direction ou réduire sa vitesse ? Je n’ai pas senti ça malgré le rythme rapide des marshals de la marque (des pilotes Anglais venus voir un truc qu’on appelle le soleil et le bitume sec), sur une route tortueuse et aveugle. Même constat sur le circuit.

Le confort de la Triumph Street Triple 765 RS

Mise à part la selle passager qui est plus haute pour laisser plus de place aux jambes de la victime que vous emmènerez en balade, rien de nouveau, ni à signaler. La selle est juste assez ferme pour garder un maintien sport sans détruire vos fesses sur un trajet moyen. La protection est celle d’un roadster classique et la position est agréable, plutôt droite et relax. Quant aux suspensions, elles sont entièrement réglables donc vous pourrez les adapter à vos goûts. D’origine, il faut savoir qu’elles sont réglées très confort.

La polyvalence de la Triumph Street Triple 765 RS

Avec un net penchant pour la sportivité qui lui vaut une superbe note de 4 sur 5, la Triumph Street Triple 765 RS reste un choix raisonnable pour un partage en duo de temps à autres, et sur de longs trajets. Un des meilleurs compromis du marché sans l’ombre d’un doute si votre truc c’est la conduite sportive et le caractère, sans sacrifier pour autant un usage quotidien. Pour moi, ce roadster est un des rares à pouvoir prétendre remplacer une sportive, et assurément le seul de sa catégorie à disposer d’un tel équipement. En réalité difficile de parler de catégorie à part entière. Car si la Triumph Street Triple 765 RS fait partie des « mid-size » si on ne parle que de cylindrée, en réalité son niveau d’équipement, de finition et ses performances châssis en font plutôt une machine à part, incomparable. Un épouvantail à sportives 600 sur circuit, et une cylindrée équilibrée pour la route. Elle n’a pas de concurrence.