La Kawasaki Z H2 est le roadster le plus vénère de la production au moment où j’écris ces lignes. Pourtant, il est aussi l’un des plus accessibles. À condition que vous ne dépassiez pas les 8 000 tr/min. Après, c’est une autre histoire. Et je vais vous la raconter.
Le compteur vient d’afficher 282 km/h. Je coupe les gaz et plonge dans le virage de l’ovale de Speedway de Las Vegas, sans toucher aux freins. Le repose-pied vient de frotter par terre une fraction de seconde. Il a dû laisser une trace de plusieurs mètres sur le bitume. La force centrifuge plaque mon corps contre le réservoir et je dois lutter pour lever la tête et tenter de viser la sortie du virage. Le moment est crucial. Il faut redresser la moto, sans forcer sur le guidon. La moindre pression trop importante sur celui-ci, fait guidonner légèrement la moto, jusqu’au virage suivant, de 230 à 270 km/h.
Si on m’avait dit un jour que je prendrais du plaisir à me faire arracher la tête, sur une moto au guidon droit et une piste composée de seulement 2 virages…
Ça fait 3 tours que ça me le fait. Je n’ai clairement pas envie de vivre cette sensation… Pourtant, j’ai envie d’enchaîner un nouveau tour. Si on m’avait dit un jour que je prendrais du plaisir à me faire arracher la tête, sur une moto au guidon droit et une piste composée de seulement 2 virages, je n’y aurais jamais cru. Mais c’est certainement parce que la Z H2 n’existait pas.
Il faut dire que cette machine est le premier roadster doté d’un compresseur de l’Histoire. Kawasaki a déjà utilisé cette pièce sur une moto non-homologuée (la H2R et ses 327 chevaux), une hypersportive (la H2 et ses 231 chevaux) et sur une routière (la H2 SX et ses 200 chevaux (et ses valises…)). À chaque fois, la moto a perdu une poignée de chevaux dans la manœuvre. Passage obligatoire pour la rendre utilisable dans des conditions réelles.
Le genre de compromis que je déteste généralement…
Et le but de la Z H2 est d’être une moto capable de rouler au quotidien, sans faire une syncope à chaque fois que vous passez la seconde. Selon les Japonais, il y aura un « avant » et un « après » Z H2. Rien que ça. De mon côté, lorsque j’ai découvert ce placement de la machine, j’ai eu un peu peur. Je me suis dit qu’elle était sûrement devenue un peu trop accessible, moins sensationnelle. Le genre de compromis que je déteste généralement. Spoiler Alert : elle n’est pas moins sensationnelle. J’ai pu l’essayer sur un circuit routier, un ovale de Speedway et pendant 150 km dans le désert de Las Vegas pour m’en assurer.
Dès que l’on monte dessus, la Z H2 est sympa. La position est assez neutre, les commandes sont douces. Un coup de démarreur et la sonorité est discrète. Elle paraît presque un peu pataude. Un peu lourde à manœuvrer l’arrêt, avec son réservoir large qui écarte les genoux, on dirait presque que l’on va s’ennuyer à son guidon. Et pourtant…
Le moteur de la Kawasaki Z H2
Voici la pièce maitresse de la Kawasaki Z H2. C’est clairement elle qui fait le charme de cette moto. Si Kawasaki a pris le parti de lui coller un compresseur de 69mm, taillé dans un bloc d’alu, c’est parce que ça permettait d’obtenir une puissance et un rendement accrus, tout en conservant une cylindrée de 1000 cm3 (et le poids et l’encombrement réduits que cela suppose). Ce dernier est différent des H2 et H2R, mais semblable à celui de la H2 SX (plus petit et avec une autre forme de palles, pour gagner en souplesse). En termes de sensations, c’est tout simplement unique. À chaque fois que vous dépassez les 8 000 tr/min, la roue avant n’est plus soumise à l’apesanteur.
Je pourrais passer ma vie à tourner la poignée de gaz de cette moto en ligne droite…
Elle décolle, rebondit et vous avez intérêt à vous agripper au guidon. 200 chevaux, dans un roadster, délivrés avec cette violence, c’est évidemment trop. Mais c’est surtout trop bien. Je pourrais passer ma vie à tourner la poignée de gaz de cette moto en ligne droite… Cela vous fait sentir puissant, unique et un peu bête. Le paradis.
Ce qui est encore plus fort, c’est qu’en dessous des 8 000 tr/min, le moteur a une autre personnalité. Il est presque creux. Vous pouvez accélérer à fond, sans qu’il ne se passe grand-chose. C’est calme, linéaire, ça ne fait aucune vague. C’est tellement souple, que j’ai pu démarrer en sixième sans caller. Et cette mollesse est une vraie qualité pour moi : la Kawasaki Z H2 n’est pas une espèce de pétard insupportable. Vous pouvez très bien passer les rapports avant 8 000 tr/min et être en compagnie d’une machine civilisée. En revanche au-dessus, c’est une vraie sal***.
Le châssis de la Kawasaki Z H2
La contrepartie d’avoir un compresseur sur une moto, c’est que cela l’alourdit. Si vous demandez à Ito Koji, l’ingénieur en charge du développement de la Kawasaki Z H2, combien pèse précisément cette pièce, il vous répondra : « Plus lourd ». Ouais, c’est précis un Japonais. Cela fait que la moto affiche 238 kg sur la balance. Et les lois de la physique étant ce qu’elles sont, elle peut être un peu lourde à ralentir, à faire tourner en virage et a tendance à bouger en sortie de virage. Mais ça, c’est sur piste. Sur route, le poids ne pose pas de problème.
à rythme normal, elle se révèle agile et très naturelle
D’ailleurs, si vous avez prévu d’acheter une Z H2 pour aller la coller sur circuit, voici mon conseil : ne le faites pas. C’est une moto de route, développée pour cette utilisation. Son cadre est le plus souple de la famille des motos compressées de chez Kawasaki. Et même si elle est très saine, elle prend du mouvement dès que vous vous en servez entre deux vibreurs. En revanche, il faut avouer, qu’à rythme normal, elle se révèle très agile et naturelle : il ne faut jamais forcer sur le guidon pour la faire tourner ou changer de direction. Les suspensions Showa sont de bonne facture (notamment la fourche, qui offre un agréable toucher de route), bien qu’un poil molles en mode hardcore et un peu raides en usage balade, il faudra passer par la case réglages.
Le freinage de la Kawasaki Z H2
Dans l’absolu, c’est pas mal. L’ensemble maître-cylindre Nissin et étriers Brembo M4.32 offrent un bon compromis puissance/feeling, avec une progressivité agréable. Le seul reproche que l’on pourrait lui faire, c’est l’ABS. Il intervient trop. Et le problème, c’est qu’il est « intelligent » : si vous inclinez la moto, il intervient davantage. Ce qui fait que lorsque vous penchez pour rentrer en virage, avec l’ABS enclenché, cela augmente son effet. Bon, là aussi, on parle d’un usage sur piste. Dans ces conditions, notamment sur l’ovale de Speedway où l’on utilisait une chicane (qui nous faisait passer de 240 à 40 km/h toutes les minutes) les freins ont perdu en endurance et pris un peu de fadding. Sur route, je n’ai pas de reproches à lui faire.
Le confort de la Kawasaki Z H2
La position est très neutre. Vous n’êtes ni en appui sur vos fesses, ni sur vos poignets et on trouve facilement sa place sur la moto. Elle est assez basse de selle. À rythme modéré, elle se fait complétement oublier. Sur les trajets un peu plus longs et un peu plus rapides (dès que l’on dépasse les 110 km/h) elle rappelle ce qu’elle est : un roadster. La prise au vent est importante, la selle un peu dure… Bref, même si elle a un Cruise Control (d’origine) et des poignées chauffantes (en option), je l’ai davantage apprécié sur les courts trajets.
La polyvalence de la Kawasaki Z H2
Le package électronique de la Kawasaki Z H2 est assez impressionnant : le boîtier Bosch IMU analyse le comportement de la moto tous les 5 millisecondes. Cela rend l’intervention des assistances assez douces. On retrouve : 4 modes moteur (Sport, Road, Rain et Rider), 3 niveaux de puissance (100%, 75% et 50%), Traction Control, Gestion d’électronique en virages, ABS, Launch Control et Shifter/Downshift.
elle peut se transformer en machine énervée et violente si vous lui parlez le langage des 0 et des 1
Tout ça, en plus du caractère du moteur, permet d’élargir le spectre d’utilisation de la moto. Calme et douce, elle peut se transformer en machine énervée et violente si vous lui parlez le langage des 0 et des 1. Adaptée à un usage quotidien (malgré un angle de braquage un peu juste) ou pour poser le cerveau le week-end. Elle reste toutefois une sportive, adaptée en roadster, et est donc un peu moins polyvalente dans les autres domaines…
[ts_toggle admin-label= »Toggle » element-icon= »icon-resize-full » title= »Questions à Ito Koji, Project Manager de la Z H2. » description= »Quand vous avez commencé le développement de cette moto, êtes-vous partis d’une H2, avec un grand guidon ou avez-vous commencé depuis une feuille blanche ?
Nous sommes partis d’une feuille blanche, en prenant comme base le moteur. Tout a été fait spécialement pour la Z H2.
Et vous n’avez jamais essayé de faire une H2 avec un grand guidon ?
Oui, nous avons essayé… Mais ce n’était pas ce que l’on voulait (rires). La H2 n’a pas été développée pour faire partie de la famille Z. Alors pour parvenir à nos fins, nous avons dû tout recommencer depuis le début. La Z H2 est meilleure car tout a été fait pour elle.
Serait-il possible d’avoir les performances de la H2R (et ses 327 chevaux), dans la Z H2 ?
Techniquement, ce serait possible. Il y a des pièces en commun entre les deux machines. Vous pouvez changer les pièces qui diffèrent, comme par exemple, la turbine. Mais on ne recommande pas de le faire. La Z H2 n’est pas une moto faite pour la piste…
Mis à part le moteur, qu’elles sont les principales différences entre les deux motos ?
La géométrie et les dimensions sont différentes. La H2R et la H2 ont été pensées pour la vitesse maxi, pour prendre plus de 300 km/h. La H2 SX est aussi proche car elle a été développée pour cruiser à hautes vitesses, avec des bagages. Le châssis de la Z H2 a plutôt été développé pour améliorer la maniabilité et être utilisable au quotidien. Le bras-oscillant, les suspensions… De nombreuses pièces sont donc différentes.
Était-il possible d’avoir un monobras sur cette moto aussi (comme sur les H2, H2R et H2 SX) ?
Non. On a choisi un bras-oscillant conventionnel pour la maniabilité et le poids. Dans l’ensemble, on a voulu rendre la moto moins rigide et pour cela, nous avons dû revoir le package du châssis, notamment le cadre qui est plus souple. Il a ensuite fallu adapter le bras-oscillant en fonction… Je pense que le bras-oscillant conventionnel est meilleur car c’est ce que nous retrouvons sur les sportives … Techniquement, il est plus simple d’obtenir une meilleure rigidité.
Étant donné que vous avez une ZRX 1200 à titre personnel, vous en êtes-vous inspiré pour développer la Z H2 ?
Pas vraiment. La politique était d’avoir une moto faite pour un grand nombre d’utilisateurs. Et c’est une idée avec laquelle j’étais à l’aise, ça allait de paire avec mes convictions. J’ai eu l’occasion de rouler avec la Mach 750 des années 70. Une moto très puissante pour son époque. Et je trouve cela intéressant de se concentrer sur la puissance. Bien sûr, il était difficile de matcher les deux philosophies. C’est pour cela que la moto est douce à bas et mi-régimes, puis puissante à hauts régimes.
Qu’est ce qui a été le plus difficile dans le développement de la Z H2 ?
L’admission et l’échappement. Le premier car il est difficile de faire rentrer un grand volume d’air et de trouver de la place pour le compresseur sur un roadster, le second à cause des normes Euro5.
Et un point sur lequel vous avez eu des mésententes ?
Nous en avons eu sur le design… Beaucoup (rires). Par exemple, la forme de l’admission. Le cadre n’a pas beaucoup évolué depuis les croquis…
Mais le design global est assez différent des croquis…
Oui, très différent. Chez Kawasaki, tout le monde discute du design. Il était très difficile de rendre la moto compacte, car il y a beaucoup de composants électriques. J’ai eu de nombreuses discussions avec les designers à ce sujet. Mais je suis content du look de la moto aujourd’hui. En tant qu’ingénieur, je suis content.
Si vous aviez une chose à changer sur cette moto ?
Question difficile… J’aime beaucoup le phare la Z1000. Alors peut-être que je changerais le phare, pour celui de la Z1000.
Dernière question : vendriez-vous votre ZRX 1200 pour acheter la Z H2 ?
Je ne pourrais jamais la remplacer, mais peut-être acheter la Z H2, en plus. J’utilise la ZRX pour faire du gymkhana, je la trouve facile pour cela. Mais peut-être que la Z H2 me permettrait d’avoir une moto plus excitante, pour sa puissance et son couple !
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