Les gros roadsters sont de plus en plus puissants : la Ducati Streetfighter V4 ou la MV Agusta Brutale dépassent allégrement les 200 chevaux. Mais la Ducati Streetfighter V2 se positionne un cran en dessous : elle ne fait « que » 153 chevaux. Est-ce que l’on peut considérer que c’est suffisant pour la considérer comme un roadster sportif ? Est-ce que c’est pas déjà trop ? J’ai passé une journée à son guidon, sur route et piste, pour avoir des réponses à ces questions.
Avant de vous parler de la Ducati Streetfighter V2, je dois vous parler de la Ducati Streetfighter 1098. Je ne l’ai jamais essayé, mais j’ai lu une infinité d’articles à son sujet et j’ai demandé l’avis de nombreux journalistes-essayeurs et possesseurs de ce modèle, car cette moto m’a fasciné. Et je ne pense pas être le seul.
l’association de ces trois éléments donnent une moto terrifiante.
Sortie en 2009, elle n’était rien de moins qu’une Ducati 1098 dépourvue de ses carénages et avec un grand guidon. Bien sûr, il y avait un moteur 5 chevaux moins puissant (pour arriver à 155 chevaux) et quelques modifications de châssis (notamment un bras-oscillant rallongé). Mais cette moto était bestiale : tous ceux qui l’ont essayée se rappellent d’un comportement moteur rageur, d’une rigidité de châssis jamais vue sur un roadster et d’un train avant au feeling déroutant. Sans même être monté dessus, vous imaginez que l’association de ces trois éléments donnent une moto terrifiante.
Ducati prend la même recette, mais le résultat est tout à fait différent.
Pourtant, en 2021, Ducati prend la même recette : base de sportive, avec un moteur 2 chevaux moins puissant (pour arriver à 153 chevaux), suppression des carénages, ajout d’un guidon droit, le tout saupoudré de quelques modifications sur la partie-cycle. Mais le résultat est tout à fait différent : la moto est facile, le châssis est naturel et la puissance dosable, si on reste sous les 8 000 tr/min. La raison de cette différence abyssale entre le modèle de 2009 et celui de 2021 tient en un paramètre fondamental : la machine qui a servi de base au roadster n’est plus la moto la plus performante de la gamme, mais la deuxième moto la plus performante de la gamme : la Ducati Panigale V2.
Et cela change beaucoup de choses. Malgré leurs ressemblances en termes de philosophie et de chiffres, la nouvelle Ducati Streetfighter V2 est d’une facilité et d’une docilité déroutantes. Je vous détaille pourquoi, selon les critères de la note High Side.

Le moteur de la Ducati Streetfighter V2
On est là en présence du Superquadro : un V2 à 90°, dérivé de la Ducati 1199 Panigale. Autrement dit, un assemblage qui a été développé pour animer la moto la plus performante de chez Ducati à l’époque et sortant 195 chevaux. Un moteur de course, si on simplifie. Mais depuis, Ducati est passé au V4 et utilise désormais les Superquadro dans une cylindrée moindre (955 cm3), mais avec toujours la même course ridicule de 60,3 mm.
Que les non spécialistes en motorisations continuent à lire : la course, c’est la distance que parcourt le piston. Et plus elle est petite, plus la puissance du moteur est haut perchée, ce qui est parfait pour un usage sur circuit.
Ce moteur ne ressemble pas à un bicylindre
Mais la vie est faite de compromis. Donc un moteur qui a de la puissance en haut, n’en a pas en bas. Partant de ce constat, on devine facilement comment se comporte le moteur de la Ducati Streetfighter V2 : c’est assez creux sous 6 000 tr/min, mais ça pousse fort au-dessus de 8 000 tr/min, jusqu’à accrocher le rupteur à 11 500 tr/min. Ce qui, vous en conviendrait, n’est pas ce que l’on attend d’un bicylindre en V. Toutefois, les vibrations et le bruit rappellent bien cette architecture et le fait que l’on est sur une Ducati : même à vitesse réduite, c’est vivant, précis à la poignée de gaz et sensationnel. Oubliez tout de même les petits wheelings à l’accélération au-delà du deuxième rapport : il faut vraiment dépasser le cap des 6 000 tr/min pour avoir de la performance. On regrettera simplement un à-coup à la coupure et à la remise des gaz assez déstabilisant sur les premiers kilomètres (mais on s’accommode).

Le freinage de la Ducati Streetfighter V2
Pour ralentir la Ducati Streetfighter V2, on retrouve exactement le même freinage que sur la Ducati Panigale V2 : maitre-cylindre Brembo radial et les étriers M4.32 monoblocs. Une valeur sûre, qui équipait les meilleures sportives il y a quelques années. Seule différence : les plaquettes offrent moins de mordant. Le but est louable : éviter que les plus débutants se fassent surprendre à la prise du levier. Mais il n’en demeure pas moins que le freinage est puissant et donne le meilleur de son potentiel une fois que l’on tire plus fort sur le levier. J’ai mis un peu de temps à m’y habituer et j’aurais préféré un mordant plus sec.

Le châssis
« Vous allez voir, le train avant est un régal », c’est ce que nous a raconté le staff de chez Ducati pendant les 2 jours que l’on a passé avec eux. Et il faut avouer qu’ils avaient raison : c’est précis, incisif et sur un roadster, de mémoire, je ne vois que la Triumph Street Triple pour faire mieux. Il faut dire que c’était LE défaut de la première Streetfighter 1098. Alors ils ont été particulièrement pointilleux sur la répartition du poids entre l’avant et l’arrière de la moto et sont arrivés à un résultat très satisfaisant, en modifiant l’angle de chasse et le bras oscillant. J’ai l’impression de le répéter sur chaque moto que j’essaie, mais une machine avec un bon train avant, c’est pour moi la moitié du boulot qui est déjà faite. On se sent en confiance, connecté à ce qui se passe sous ses roues. Si vous rajoutez à cela une agilité impressionnante, vous avez une moto qui est très efficace en virage. Et pas seulement à rythme élevé. En revanche, sur piste, j’émets deux doutes : la souplesse excessive des suspensions et les pneus d’origine (les Pirelli Diablo Rosso 4) qui manquent de grip et de constance.

Le confort de la Ducati Streetfighter V2
Évidemment, on est en présence d’une moto dérivée d’une sportive et sans carénage. On est donc aux prises avec le vent et pas spécialement bien installé. Toutefois, la position n’est pas fatigante et plutôt réussie.

La polyvalence de la Ducati Streetfighter V2
Il y a un élément que l’on n’a pas encore évoqué et qui permet d’élargir le cercle d’utilisation de la Ducati Streetfighter V2 : son électronique. Elle embarque celui de la Ducati Panigale V2 : shifter/downshift, Traction Control, anti-wheeling, gestion du frein moteur, ABS en virage et plusieurs modes moteur. Elle va même plus loin étant donné que l’électronique a permis à Ducati de paramétrer le couple de différentes façons sur chaque rapport. Une première chez les Italiens. Cela rend la moto particulièrement douce en mode Road et plus réactive en mode Sport. Mention spéciale au mode ABS 2, qui permet de faire des glisses, sans désactiver l’ABS sur la roue arrière. Une première aussi. Tout cela permet de rendre la moto plus accessible, plus douce… Mais on reste tout de même sur une machine au tempérament sportif, qui ne peut donc pas être bonne dans tous les registres.
Je vais seulement me contenter de prodiguer un conseil aux futurs acheteurs…
Au final, la Ducati Streetfighter réussit 2 choses : faire oublier les défauts de la Ducati Streetfighter 1098 et rendre la famille Streetfighter de chez Ducati « accessible ». J’avais envie de lui reprocher de faire disparaître le côté bestial qui m’a fait rêver sur la Streetfighter 1098, mais cela est désormais confié à la Ducati Streetfighter V4. Je voulais aussi dire que le prix était très élevé (16 990€), mais quand on voit le package électronique, le look et le fait qu’elle soit rouge et siglée Ducati dessus, ça peut se justifier… Alors je vais seulement me contenter de prodiguer un conseil aux futurs acheteurs : ne vous fiez pas trop à ses apparences faciles. Au-dessus de 8 000 tr/min, c’est une tempête.
