Non, la Ducati 999 n’est pas moche
Ducati 999par Ponpon
Pour tout un tas de raisons pas du tout valables, vous n’aimez pas la Ducati 999. Pour faire comme tout le monde, je pensais exactement la même chose. J’avais tort.
Selon André Malraux, « l’homme est ce qu’il fait ». Lorsque la Ducati 999 sort en 2003, Pierre Terblanche, son designer, connaît donc la célébrité pour avoir dessiné la première Ducati moche. Depuis ce jour, Terblanche = Ducati moche. Dur.
Bref retour en arrière : de 1994 à 2002, Ducati domine le design en mouvement.
La 916, qui deviendra 996 puis 998, est alors ce que l’on peut qualifier comme le truc le plus bandant de la planète, loin devant Cindy Crawford et Tabatha Cash. À cette époque, rouler sur une Ducati, c’est revendiquer une certaine vision de la sportivité. C’est le gars qui fait son footing sans quitter ses Ray-Ban. Celui qui ne vit pas la même vie que vous et l’affiche sans complexe d’un rouge ou d’un jaune Ferrari.
C’est le gars qui fait son footing sans quitter ses Ray-Ban.
Mais un mythe ne devient pas un mythe sans mourir. Deux solutions s’offrent alors à Ducati : confier la mission à un cador, qui révolutionnera le genre et imposera de nouveaux codes esthétiques pour la prochaine décennie. Ou confier la mission à un mec qu’on n’aime pas trop, et qui devra porter jusqu’à la fin de ses jours la honte d’avoir mis fin à 9 ans de style. Concernant Pierre Terblanche, on ne sait toujours pas de quel type il s’agissait.
Thérèse, tout ça…
Sauf que moi, je ne la trouve pas moche, cette Ducati. Tu n’es pas seul, Pierre. Du haut de mes 18 ans, j’ai à l’époque compris ce que tu voulais réaliser : une rupture. Franche. Sans concessions. Et tu as réussi. Tu es même parvenu à rompre avec les clients de la marque les plus encombrants. Ceux qui regrettaient encore les Ducati 851. Un Pierre, deux coups. Bravo. Mais la 999 n’est pas moche. Non. Sa ligne est futuriste et l’échappement sous la selle n’a jamais été aussi bien intégré, tandis que le double optique vertical rend son regard hypnotique. Et que dire du poste de pilotage.
Rupture de style et transgression des codes. La 999 bouscule alors l’idée qu’on se fait du design moto.
Chaque pièce a fait l’objet d’un design archi-poussé, du té de fourche évidé aux bocaux des maitres-cylindres. Donc non, cette 999 n’est pas moche. Je peux même l’avouer aujourd’hui : je crois que je l’ai trouvée belle. Pas aussi pure qu’une 916 ou une Panigale. Juste belle.
Et infiniment plus belle que la 1098 sans personnalité qui lui a succédé en 2007.
Le Superbike pour tous
D’autant que sous cette nouvelle robe se cachent un paquet d’évolutions qui la rendent dynamiquement très supérieure à ses prédécesseurs. Pas en termes de performances, puisque les chiffres évoluent finalement assez peu. En revanche, l’agrément est sans précédent. Je m’attendais à grimper sur un cheval de course. Un truc aussi raide qu’un coup de trique qui m’imposerait une concentration de tous les instants. Raté, cette Ducati est presque accueillante. Je dis bien « presque ». Car il s’agit quand même d’une Ducati. Donc ça ne braque pas, j’ai les couilles qui baignent et l’anus en chapeau de clown. Mais le reste va plutôt bien, ce qui est assez inédit de l’autre côté des Alpes.
J’ai les couilles qui baignent et l’anus en chapeau de clown. Mais à part ça, la 999 est presque accueillante.
La finesse du réservoir permet de s’encastrer dans la moto et la position, sportive mais pas caricaturale, reste supportable. Résultat : la 999 est hyper naturelle et beaucoup plus facile que ses prédécesseurs à l’attaque. En plus, elle fait preuve d’une stabilité de TGV et d’un freinage qui n’a pas trop mal vieilli. La reine des courbes rapides, c’est elle ! Un peu lourd dans les petits coins sinueux, son train avant dessine des trajectoires aussi tendues que les croquis de Pierre Terblanche tandis que le twin crache un couple solide et une puissance à taille humaine. Pas besoin d’électronique, la précision de la poignée de gaz et la force du moteur permettent d’exploiter les 140 chevaux de notre modèle 2005, même sans assurance-vie. Donc non, cette 999 n’est pas moche, tout simplement parce qu’elle sait allier design novateur, caractère mécanique et efficacité.
Miss good deal !
En fait, tout ce que je te reproche, Pierrot, c’est d’avoir abandonné le monobras au profit d’un banal bras oscillant. C’est à mes yeux le seul vrai sacrilège commis sur cette moto. Et pour cela, je suis tenté de rejoindre la foule des haineux prêts à te lapider en place publique. Eh ouais mon gars, le monde de la moto est injuste. En dépit de qualités incroyables, la 999 reste la malaimée de Bologne. Comme une ex un peu moche dont on ne veut pas trop parler. Dommage pour elle. Et tant mieux pour nous, car on en trouve désormais au prix d’un petit roadster d’occasion. Souhaitons simplement à Pierre Terblanche de ne jamais lire Malraux.
La plus titrée des Ducati en Superbike !
Mais il a fait que des trucs moches, Pierre Terblanche ?