455 chevaux. 495 kilos. Deux roues et l’expérience la plus traumatisante de ma vie à moto.
Ça fait maintenant 21 ans que je fais de la moto. Mes premiers tours de roues remontent à mes 6 ans. Autant dire que je n’ai que de vagues souvenirs de la première sensation qui s’empare d’un être humain qui découvre la joie de rouler à moto.
j’avais l’impression de n’avoir jamais fait de moto de ma vie.
Cette sensation partagée entre le plaisir de tenir en équilibre sur deux roues et le stress de ne pas bien savoir comment s’arrêter ou tourner. Mais ce sentiment unique, je l’ai revécu il y a peu, lorsque j’ai fait mes premiers tours de roues sur la Boss Hoss. Cette machine est tellement incroyable, que j’avais l’impression de n’avoir jamais fait de moto de ma vie.
C’était quelques jours avant de tourner le reportage de High Side sur RMC Découverte. Mes collègues m’ont vivement conseillé d’aller faire un petit tour avec, histoire de comprendre comment elle se comportait. Le premier défi a été de la sortir du garage.
Relever 495 kilos de la béquille a demandé l’effort de tous mes muscles.
Ensuite, il a fallu quitter le garage. Cela se fait par une rampe d’accès en montée et en virage. Coup de démarreur, la moto bascule de droite à gauche à cause du couple de renversement. Si vous n’avez pas les deux pieds par terre, c’est la chute. Pas de levier d’embrayage, la transmission est automatique. Donc quand vous commencez à accélérer, vous ne savez pas très bien à quel moment l’embrayage va coller et la moto commencer à avancer.
Je n’ai jamais eu aussi peur à moins de 5 km/h.
Dans le doute, je mets un filet de gaz, et les roues de la moto se mettent à tourner. Vient le moment où il faut commencer à pencher pour entamer le virage. Je n’ai jamais eu aussi peur à moins de 5 km/h. Incliner la moto ne la fait pas vraiment tourner et je commence à me diriger droit sur le trottoir. Je me sens comme ces mecs qui montent en l’air en sortant de leur garage dans les vidéos YouTube.
Je tourne le guidon mais la roue avant est à environ 65 kilomètres du guidon et pèse le poids d’une moto à elle seule. Je sors les pieds des repose-pieds et fait des petits pas pour équilibrer la moto et réussir à tourner. Je finis par arriver en haut de la rampe et vraisemblablement, j’ai laissé ma fierté dans le garage.
Le camion
Dire que la Boss Hoss est lourde est un doux euphémisme.
Je vous jure qu’à son guidon, j’ai croisé des bus qui m’ont paru petits.
Pour que vous en ayez une idée, voici une liste de choses qui font le poids d’une Boss Hoss :
– Une Honda Gold Wing 1800 et une Aprilia RS 125 2-temps
– Toute la gamme Cross de Suzuki (et un deuxième DR-Z70)
– Six Piaggio Zip
– Une Citroën 2CV des années 50
Et cette impression de masse immense se ressent sur la route. Très vite, vous avez l’impression que rien ne peut vous arrêter – littéralement. Je vous jure qu’à son guidon, j’ai croisé des bus qui m’ont paru petits. Vous affrontez la circulation bras écartés, pieds en avant, avec l’immense réservoir de 32 litres qui vous protège. Et s’il est aussi gros, c’est pour deux raisons. La première, c’est pour avoir la place d’y mettre les sept compteurs de la moto : température d’eau, d’huile, compteur de vitesse, compte-tours et charge de la batterie. La seconde, c’est pour alimenter le moteur de la Boss Hoss, qui consomme un peu…
Le monument
25 l/100 km. C’est ce qu’il faut pour abreuver 8 cylindres et une cylindrée totale de 6161 cm3. Ça vous paraît beaucoup ? Alors attendez que je vous parle de 455 chevaux ou des 60mkg de couple. Parce que c’est bien de cela dont on parle quand on prononce le nom Boss Hoss. Le moteur LS3 de General Motor, normalement utilisé dans les muscle-cars du constructeur américain.
Par exemple dans la Chevrolet Camaro SS Coupe
Ou la Chevrolet Corvette Grand Sport
Cela pose plusieurs problèmes. D’abord, son poids : 183 kilos. 3 fois plus qu’un moteur conventionnel.
C’est lourd en soi, mais imaginez à quel point les autres pièces de la moto doivent être solides pour le supporter ! Ensuite, une fois que vous l’avez mis dans une moto, il n’y a plus de place pour beaucoup d’artifice. Raison pour laquelle il n’y a pas de boîte de vitesses, mais seulement un rapport overdrive, pour l’autoroute. Sur ce dernier, vous pouvez cruiser à 130 km/h à un régime de 2500 tr/min. Oui, c’est incroyable.
Cela la faisait avancer d’un bon mètre, de façon imprévisible.
N’importe quelle accélération à son guidon est une expérience unique. À basse vitesse, le moteur semble incontrôlable.
Plusieurs fois, alors que j’étais en train d’essayer de faire demi-tour, la moto prenait 300 tours moteur toute seule, alors que j’étais sur un filet de gaz. Cela la faisait avancer d’un bon mètre, de façon imprévisible. Au-dessus de 30 km/h, c’est encore une autre expérience. Si vous ouvrez la poignée à fond, il y a une chance sur deux pour que la moto patine, laissant une trace de gomme sur une cinquantaine de mètres et un nuage de fumée derrière elle.
Si elle motrice, la poussée vous colle au fond de la selle, et vous avez l’impression que la Boss Hoss va décoller. Le vrombissement du moteur vous envoie directement au milieu de la Route 66. Ça n’accélère pas aussi fort qu’une hypersportive, mais c’est au moins aussi impressionnant.
Honnêtement, en y repensant, j’ai eu peur à chaque fois que j’avais le moteur allumé.
Parce que vous savez que vous déplacer aussi vite, au guidon d’un objet aussi lourd n’a rien de naturel. Et votre instinct vous rappelle que tôt ou tard, il faudra freiner ou – pire encore – prendre un virage.
La peur
Donc au final, pendant toute la durée de l’essai, j’ai eu cette désagréable sensation que j’étais dépendant de la moto. Que j’étais à la merci du moindre virage et que si je ne l’anticipais pas avec une grande prudence, je n’en ressortirais jamais. Honnêtement, en y repensant, j’ai eu peur à chaque fois que j’avais le moteur allumé.
Alors est-ce que j’ai aimé ça ? Bien sûr que non. Je préfèrerais me casser une jambe qu’avoir à rouler à nouveau dessus. Est-ce que cette moto ne devrait pas exister ? Bien sûr que si. Elle est la définition même de la démesure. Et quand on reproche à toutes les motos d’être trop semblables, la Boss Hoss propose quelque chose de vraiment différent de tout ce qui existe. Au final, de ce que j’ai compté, cette moto n’a pas moins de 10 records parmi les motos de la production actuelle. Et rien que pour ça, elle mérite d’exister – et d’être essayée.