C’est pas vraiment ce qu’on attendait…
Suzuki GSX-S1000par Adrian
Je m’en souviens très bien. C’était en 2015. Tout le monde au bureau était très excité à l’idée de voir enfin arriver le Suzuki GSX-S1000. Pour être honnête, pas moi. Je voyais juste un nouveau roadster japonais, comme il y en a déjà eu 1 million ces dernières années.
Parce que la réalité, c’est que tout le monde s’attendait à voir débarquer un roadster, nouvelle génération. C’est-à -dire à l’image de ce que les constructeurs trouvent marrant de développer ces dernières années : partir de leur sportive 1000cm3, retirer les carénages, mettre un guidon droit, privilégier l’accélération à la vitesse maxi et renommer la moto. Yamaha a la MT-10, dérivée de la R1. Aprilia a la Tuono, dérivée de la RSV4. BMW a la S 1000 R, dérivée de la S 1000 RR. Et toutes sont mortelles. Ces motos peuvent vous procurer des sensations uniques, sans le moindre effort. Alors quand Suzuki a annoncé qu’ils allaient utiliser leur GSX-R pour faire un gros roadster, tout le monde était très excité. Sauf que moi, j’étais stagiaire depuis moins d’un an. Mes journées consistaient à apprendre par cœur le manuel d’utilisation de l’imprimante et à trouver le parfait dosage de la machine à café. J’étais bien loin de comprendre cette nuance de gènes que peut avoir une moto. Pour moi, un roadster, c’était un roadster. Et la Suzuki GSX-S1000, c’était un roadster. Point.
Heureux est le sot
Et croyez moi, l’ignorance a du bon. Après le premier essai, la déception dans les yeux de mes collègues journalistes prouvait une chose : j’avais bien fait de ne pas l’attendre.
Parce qu’au lieu d’utiliser les pièces de leur sportive la plus récente du moment (la GSX-R 1000 de 2015), Suzuki a pris le moteur du millésime 2005. Les Japonais se sont privés des deux dernières évolutions de leur moteur le plus performant. Chelou. Alors, quand les autres gros roadsters développent près de 170 chevaux et embarquent une électronique de pointe, la GSX-S a déjà 10 ans de retard.
La GSX-S est arrivée avec 10 ans de retard
Mais pour quelqu’un comme moi, qui n’attendait pas d’un gros roadster qu’il soit aussi performant qu’une sportive, eh bien la GSX-S était tout à fait OK.
Less is best
Son moteur est certes moins puissant que les autres, mais développe tout de même 150 chevaux. Et 150 chevaux, c’est beaucoup. Surtout sur route. Et avec son moteur ancien, c’est même pour moi, le roadster de sa catégorie le plus rassurant quand il s’agit d’accélérer. Vous sentez très précisément l’accélération qui va résulter de la rotation de votre poignet. Une chose que les motos récentes et leur poignée de gaz électronique ne savent plus procurer.
C’est pour moi, le roadster de sa catégorie le plus rassurant quand il s’agit d’accélérer.
Et quand il s’agit de prendre des virages, c’est pareil. Elle est moins incisive qu’une moto récente, mais du coup plus rassurante. Elle tourne de façon « ronde », c’est-à -dire qu’elle penche sans vous surprendre, en se couchant à une vitesse constante. Au bout de 2 virages, vous vous sentez comme à la maison.
Franchement, on ne peut pas dire ça de ses concurrentes qui vous pètent à la gueule même après avoir roulé 6 mois à leurs guidons. Personnellement, j’adore les motos qui pètent à la gueule. Pourtant, j’ai également apprécié la GSX-S 1000 : elle se montre accessible. On a l’impression de la dominer, de faire corps avec elle.
Bonne copine
J’ai parcouru 1000 kilomètres à son guidon à travers l’Oregon. Si vous ne connaissez pas l’Oregon, c’est l’un des plus beaux endroits sur Terre pour faire de la moto. Surtout si votre truc, c’est de regarder le paysage. Le bitume serpente entre les montagnes, le désert et les plaines agrémentées de fleuves magnifiques. C’est superbe. Si ce n’est que ce bitume est entouré de bas-côtés en graviers et que les Américains adorent mettre les roues de leur pick-up dedans. Conséquence : des plaques de graviers jonchent assez souvent la route. Si on ajoute à ça : les variations de température d’une vingtaine de degrés et les lignes droites interminables, vous comprendrez qu’il est important d’avoir une moto qui met en confiance pour affronter ce coin du monde. Eh bien à aucun moment je n’ai regretté de rouler en GSX-S.
La GSX-S peut offrir la confiance qui nous manque.
Dans ce monde où la puissance régit tout, où l’on se dit tous les jours que ce n’est pas raisonnable de rouler avec des motos aussi brutales et rapides, elle peut clairement vous offrir la confiance qui vous manque, sans forcément aller moins vite ! Alors non, ce n’est pas ce qu’on attend d’un gros roadster en 2017, mais c’est peut-être ce qu’un gros roadster devrait être en 2017.