La GASGAS SM700 est-elle un nouveau Supermotard ?
GasGas SM700par Adrian
La GASGAS SM700 est une sorte d’ovni au milieu des autres machines du marché. Gavée de défauts qui font ses qualités, elle est aussi étrangement similaire à deux motos déjà existantes…
Tuons de suite tout suspens : la GASGAS SM700 n’a rien de nouveau. Du moins, c’est une question de point de vue. Si on se place du point de vue froid et objectif de la mécanique, elle n’est qu’un dérivé de la KTM 690 SMC R, comme l’a été la Husqvarna 701 SM. Ces 3 motos appartiennent aux marques de Pierer Industries AG et partagent donc la même base : même partie-cycle, même moteur, même électronique. Les seules différences sont les roues à bâtons sur la GASGAS et l’habillage, spécifique à chacune. Donc si on ne parle que d’objet, elle n’a rien de nouveau.
Côté marketing, cette moto est une révolution
En revanche, si on se place du côté nébuleux du marketing, alors c’est une révolution. J’ai fait mes études dans ce milieu obscur et une fois celles-ci terminées, je m’étais juré de ne plus jamais en parler et de me contenter d’analyser froidement chaque moto que ce magnifique métier me permettrait d’essayer. Mais dans ce cas précis, il faut se réintéresser à pourquoi on préfère une marque plutôt qu’une autre, car c’est là que se trouve les différences entre ces 3 machines.
GASGAS a été racheté balbutiant en 2020 par Pierer Industries AG. C’est donc une marque qui n’a que 2 ans. Et en seulement 24 mois, ils ont su : s’imposer en Supercross américain, briller en championnat du monde de Motocross, en Enduro et apparaître sur le paddock Moto3, puis Moto2. Si cela n’a rien d’impressionnant en compétition (au final, ils n’ont fait que coller un autocollant GASGAS sur des KTM déjà performantes), cela l’est quand on étudie le marché. Pour l’enduro et le trial en France (les seuls marchés sur lesquels sont présents GASGAS et dont les chiffres de vente sont publics), GASGAS vendait 306 motos en 2019, contre 725 en 2021. GASGAS est arrivé à cela en se positionnant sur le segment de l’accessibilité : moins chères, un poil moins équipées, un peu plus faciles, elles se destinent (selon les mots de la marque) « à tous types de motards ». Entendez par là par des moins sportifs que KTM (qui reste Ready To Race) et moins attachés au style que les clients Husqvarna (qui conserve sa position haut de gamme). C’est assez subtil, mais présent dans la communication de la marque à tous les niveaux : tout le monde est bienvenu et peut rouler sur une GASGAS.
Avec ces 3 marques, Pierer Industries AG a de quoi séduire quasiment toutes les topologies de motards : les sportifs, les esthètes et les amateurs qui veulent se faire plaisir. Cette dernière catégorie est certainement la plus large. Donc le fait que le groupe s’y intéresse pourrait bien avoir des répercussions sur le marché dans les années à venir.
Mais si on n’est pas intéressé par tout ce brouhaha marketing, on peut simplement se ravir du fait que la GASGAS SM700 propose une alternative rouge à un coloris orange trop tape à l’œil ou à un blanc trop froid. D’ailleurs, parlons des lignes des 3 motos : la KTM est anguleuse, racée, la Husqvarna est originale, scandinave, alors que la GASGAS est la plus simple des trois, avec des lignes plus directes, avec moins de superflu. Une sorte d’humilité, d’accessibilité… Mince, on est encore dans du marketing.
Bref, j’ai eu l’occasion d’essayer cette GASGAS SM700 sur route et sur une piste de karting pendant une journée et voilà ce que j’ai à en dire.
Le moteur de la GASGAS SM700
On est ici en présence du plus gros monocylindre de la production : 693 cm3. Ce type d’architecture est utilisé sur la majorité des Supermotards de l’Histoire (à l’exception d’Aprilia) car il est petit et léger. Celui-ci ne déroge pas à ces deux règles : il ne pèse que 43 kg. Mais il développe pourtant 74 cv, soit autant que celui d’une Yamaha MT-07, avec une quinzaine de kg en moins. La contrepartie de tout ça : des vibrations assez présentes, surtout à haut régime. Grâce aux deux arbres d’équilibrage ce n’est pas aussi exagéré que sur un moteur de 450 d’enduro, mais ça n’en demeure pas moins un gros cran au-dessus des autres motos de route du marché.
Il est parfaitement adapté à son écrin
En termes de comportement, on a beaucoup de couple dès les bas régimes, puis une poussée linéaire jusqu’aux deux tiers de la plage de régime. Dans la dernière zone, le moteur continue de prendre des tours, mais ne pousse plus autant. Il vaut donc mieux jouer de la boîte pour rester sur le gras du couple, entre bas et mi-régime.
Autre bon point : le package électronique. Les deux modes moteur Street ou Supermoto changent la réponse à la poignée et rendent la moto plus ou moins réactive sur la première moitié des gaz. Ajoutez à cela un shifter up/down assez réactif (attention toutefois à ne pas laisser trainer son pied sous le sélecteur sous peine de coupures) et un traction control déconnectable et vous avez un package électronique assez complet.
Au final, ce n’est pas le moteur le plus sensationnel de la production, mais il est parfaitement adapté à l’écrin dans lequel il est.
Le châssis de la GASGAS SM700
On est ici en présence d’un des châssis les plus funs du marché. C’est l’essence même des Supermotards : en utilisant un châssis de moto de cross ou d’enduro, on mise sur un poids réduit (148,5 kg sans essence pour la GASGAS SM700), une position assez haute (et donc un bras de levier important) tout en allant à l’encontre de toute notion de stabilité et de feeling de l’avant. Du moins, c’était le cas au début de la discipline. Car les suspensions ayant grandement évolué, la GASGAS SM700 (tout comme de nombreux supermotards récents) possède une certaine rigueur une fois sur l’angle. Toutefois, c’est assez particulier : le pilotage demande plus d’efforts au guidon qu’un roadster (car on a les mains plus loin de la roue avant) et on n’a pas la sensation d’être parfaitement connecté avec ce qui passe sous nos roues. Autre point étonnant : le transfert au freinage. Sur ces motos, il faut que la fourche plonge légèrement à la prise des freins pour aider la moto à tourner. Sans cela, la moto ne rentrerait pas en virage. La conséquence est un effet bascule assez particulier. Tous ces points demandent quelques kilomètres pour s’habituer au pilotage de la GASGAS SM700. Et là , c’est quitte ou double : soit vous acceptez cette implication supplémentaire du pilote et vous tombez amoureux de la machine, soit vous détestez et vous ne pourrez jamais aimer cette moto. Si vous faites partie de la seconde catégorie, je suis sincèrement désolé pour vous car vous allez passer à côté d’un des tempéraments les plus joueurs du marché.
Le freinage de la GASGAS SM700
Étonnamment, la GASGAS SM700 ne possède qu’un seul disque de frein à l’avant (comme la majorité des Supermotards). Toutefois, le freinage est largement suffisant : d’une part parce qu’il s’agit d’un étrier radial monobloc et d’un disque de 320 mm, mais aussi parce que la moto est légère. Résultat : on conserve du feeling, de la puissance et le tout est très dosable, tout en conservant une roue avant la plus légère possible. L’ABS est déconnectable sur la roue arrière pour tout de même glisser au freinage. Je n’ai pas été perturbé par son intervention sur l’avant, même sur piste.
Vous allez penser qu’il sera moins douloureux de sauter en marche…
Le confort
Évidemment, on est ici sur le principal défaut de la GASGAS SM700. Parcourir les 30 km d’autoroute de cet essai a vraiment été l’un des moments les moins agréables de ma vie. D’abord à cause des vibrations (bien que GASGAS ait tenté de les réduire en montant le guidon sur silent bloc et en utilisant du caoutchouc sur les repose-pieds) présentes à tous les régimes au-dessus de 90 km/h. Et à 130 km/h sur l’autoroute, la prise au vent vous fait penser qu’il serait moins douloureux pour vos cervicales et votre dos de sauter en marche. Mais on le lui pardonne étant donné qu’elle vous le rend au quintuple en termes de sensations… tant que vous roulez sous les 110 km/h ! À ces allures, on profite des commandes douces et de leur précision.
La polyvalence
Là non plus, ce n’est pas son fort. Si elle possède un côté sportif assumé, c’est évidemment au détriment de son confort, de ses capacités touristiques ou en duo : entre la selle plate et les vibrations, peu de risque que votre passager(e) vous encourage à acquérir cette machine. En revanche, elle est capable de rouler dans la terre, même si ces pneus route ne la prédestinent pas à cet usage. Pour les férus de cette texture, la ES700 sera plus adaptée !
Au final, cette GASGAS SM700 n’a rien de révolutionnaire : elle ne possède que de légères différences avec la KTM 690 SMC R et la Husqvarna 701 Supermoto. Toutefois, je m’en réjouis pour deux raisons : ce sont des bonnes motos, donc ne soyons pas blasé de les voir duppliqué. Mais surtout, cela augmente de 50% l’offre en moto de Supermotard sur le marché. Et ça, c’est une excellente nouvelle.
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